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L'État n'a jamais dit que le nuage de Tchernobyl s'était arrêté à la frontière


Publié
August 18, 2020

Près de 9 personnes sur 10 pensent que les autorités françaises ont "menti à la population en lui faisant croire que le nuage de Tchernobyl s'était arrêté à la frontière". Et si je vous disais que c'est un mythe ?

Si je vous demandais de retrouver une déclaration émanant des autorités françaises affirmant que le nuage n'est jamais passé sur notre pays car bloqué par des vents contraires, vous ne la trouveriez pas. Tout simplement parce qu'aucune communication officielle n'a dit cela.

Cette croyance populaire tire son origine d'un mélange de plusieurs éléments biaisés ou sortis de leur contexte, et doit sa persistance tantôt à des médias en quête de scandale, tantôt aux humoristes, tantôt à certains politiques ou associations anti-nucléaires.

L'ingrédient peut-être le plus symbolique de cette rumeur est ce bulletin météo de Brigitte Simonetta au 20h sur Antenne 2 le 30/04/1986, alors que l’U.R.S.S. venait tout juste d’annoncer l'accident sans donner aucun détail.

✔️ Ce qui est dit : l’anticyclone des Açores protège la France, ce qui était correct jusqu'alors, et selon les prévisions, les choses allaient rester ainsi pendant trois jours (jusqu'au 2 mai). Ce sont des PRÉVISIONS météo avec les moyens de l'époque, et ce pour 3 jours seulement.

❌ Ce que le grand public a retenu : seulement le panneau "stop" (un peu grotesque il faut l'avouer) qui illustrait simplement le propos de la speakerine. En le sortant de son contexte, il est perçu à tort comme un instrument de déni du passage du nuage radioactif.

En réalité, tout le monde le sait maintenant, le nuage est bien passé sur pratiquement toute la France. Le SCPRI (Service central de protection contre les rayonnements ionisants), dirigé par le professeur Pellerin, a effectué des relevés quotidiens dès le 29/04.

Ces relevés étaient suivis chaque jour d'un communiqué de presse transmis : aux ministres, à la Sécurité Civile, à l’IPSN, au SCSIN, à la DGS, aux agences de presse AFP, REUTER et ASSOCIATED PRESS.

Il faut cependant souligner que pendant les premiers jours, le SCPRI n'a pas donné les chiffres détaillés des relevés de radioactivité, seulement des pourcentages de radionucléides. Certains journalistes ont pu prendre cela pour de la dissimulation.

L'historique des communiqués

Faisons l'historique des communiqués.

29 avril : RAS

Communiqué du SCPRI le 29/04 : rien à signaler en France. Seul un prélèvement effectué sur un avion provenant de l'Est révèle des radionucléides émanant de la centrale accidentée.

30 avril : Légère augmentation de la radioactivité

Communiqué le 30/04 à 16h : toujours rien à signaler en France. A 20h, autre communiqué : légère augmentation de la radioactivité dans le sud-est. Autrement dit, le nuage arrive. Cela concorde avec cette vidéo réalisée par l'IRSN.

1er mai : Le gros du nuage passe en France

Le 1er mai, férié, pas de parution presse. C'est pourtant ce jour-là que le gros du nuage passe en France. Le SCPRI publie tout de même un communiqué qui indique que la radioactivité est présente sur toute la France mais sans danger pour la santé publique.

D'ailleurs, et c'est important, Libé le mentionne (en tout petit) dès le lendemain 2 mai. À noter que le 1er mai 1986 tombant un jeudi, la plupart des Français, y compris les services publics, font le pont. Les ministères sont vides. En gros l'info passe presque inaperçue.

2 mai : Une radioactivité en dessous des seuils

Le 2 mai, un communiqué du SCPRI précise que la radioactivité atmosphérique observée est très en dessous des seuils de dangerosité, ce qui exclut le recours aux pastilles d'iode (censées prévenir les cancers de la thyroïde).

3-5 mai : Diminution de la radioactivité

Les 3, 4 et 5 mai, les communiqués expliquent que la radioactivité relevée dans l'air diminue et revient à la normale. Le nuage est parti. On maintient cependant la surveillance vis-à-vis de l'éventuelle contamination des aliments. Aucune mesure sanitaire n'est justifiée.

6 mai : Une bourde du ministère de l'Agriculture

Le 6 mai, le gouvernement, qui est resté trop silencieux sur cette affaire, fait une bourde : le ministère de l'Agriculture publie un communiqué contenant une tournure de phrase très maladroite.

La 1ère phrase laisse entendre que le nuage n'a pas touché la France, alors que la suivante dit exactement le contraire ("les hausses observées de radioactivité"). Bien sûr, l'esprit global de ce texte n'est pas de nier le passage du nuage mais de confirmer l'absence de danger.

Mais l'opposition, et notamment les anti-nucléaires, ne retiendront que la 1ère phrase et la sortiront de son contexte pour crier au mensonge.

7-10 mai : Les graines de la contestation

Les jours qui suivent (à partir du 7 mai), certains articles de presse commencent à paraître, qui remettent en cause la transparence du SCPRI et du pouvoir en place vis-à-vis des conséquences de Tchernobyl. Les graines de la contestation commencent à être plantées.

Dans les médias, le manque d'information du gouvernement (qui, par incompétence, s'est effectivement muré dans le silence) devient de la "désinformation", puis du "mensonge d'Etat".

11 mai : Le début de la contestation

Le 10 mai, le Pr Pellerin fait une interview quelque peu ratée à la TV et à partir du 11-12 mai, c'est parti, la presse s'en donne à coeur-joie : "Le choc du nuage", "Mensonge radioactif", "On a le droit de savoir", etc.

Le SCPRI et le Pr Pellerin sont accusés de tous les maux alors qu'ils ont fait leur travail, y compris pendant les ponts de mai.

En réalité, c'est plutôt le silence du gouvernement qui est à blâmer. Ce silence provient d'une multitude de facteurs un peu longs à développer ici. Si la communication avait été plus efficace, la défiance n'aurait sans doute pas été aussi forte.

Le Pr Pellerin a endossé plus ou moins efficacement le rôle que le gouvernement n'a pas tenu, et a dû payer les pots cassés. Aucune décision de justice ne l'a reconnu coupable d'une quelconque dissimulation. Il est décédé en 2013.

PERSONNE du côté des institutions ou du pouvoir n'a dit après coup que le nuage s'était arrêté à la frontière et avait évité la France. Il ne s'agit que d'une rumeur colportée régulièrement depuis, y compris par des personnalités et médias influents.

Il y a encore pas mal de choses à raconter sur le déroulement de la médiatisation en France de Tchernobyl, mais ce sera pour une autre fois. Merci d'avoir lu jusqu'ici ! 🙂

Sources / en savoir plus

Après avoir lu ce thread, vos cheveux risquent de se hérisser à la lecture de ces citations de journalistes à l'occasion du 10e anniversaire de Tchernobyl... 🤕

On notera que Libération, dans son article "scandale" du 12 mai disant que le gouvernement a menti et que le nuage est bien passé, oubliant qu'il publiait lui-même le 2 mai une brève indiquant le passage du nuage...



Ceci est l'archive de mon thread Twitter, faite par l'archiveur de threads de Share.


Histoire(s) de Tchernobyl

Source sur l'histoire de Tchernobyl, de Prypiat et de la Zone. Factuel, objectif et le plus rigoureux possible.