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Je vais vous parler de la guerre d’indépendance du Cameroun (1955 - 1971) parce qu’on en parle très peu.
Ancienne colonie allemande, le Cameroun est divisé depuis 1919 et gouverné par les Britanniques et les Français qui occupent une grande partie du territoire.
Comme beaucoup de colonies françaises, le Cameroun a participé à la 2nde guerre mondiale et certains réclament l’indépendance après la guerre.
Fondée en 1948 à Douala, l’Union des Populations du Cameroun (UPC) est un mouvement de libération nationale qui comptait près de 100 000 membres en 1955. Les leadeurs les plus connus sont Ruben Um Nyobè, Félix Moumié et Ernest Ouandié.
En décembre 1952, Ruben Um Nyobè et d’autres leaders de l’UPC sont reçus à l’Assemblée Générale de l’ONU où ils présentent plusieurs revendications comme la réunification et l’indépendance du pays.
Pendant que la contestation s’intensifie au Cameroun, le Haut commissaire français Roland Pré (image ci-dessous) est déterminé à liquider l’UPC. Dès 1954, les dirigeants du parti sont regroupés à Douala (la capitale économique) pour faciliter leur surveillance.
À partir de mai 1955, des émeutes ont lieu dans tout le pays, opposant militants de l’UPC et forces de l’ordre. La répression française est brutale et le parti est dissous et interdit le 13 juillet 1955.
Les dirigeants de l’UPC sont exilés au Cameroun britannique, puis en Égypte et dans d’autres pays africains et les militants rentrent dans la clandestinité. Ainsi, 1955 marque le début de cette guerre méconnue.
Des attentats ont lieu dans tout le pays et visent des lieux fréquentés par les blancs : bars/cafés, discothèques... De nombreux français seront tués dans ces attaques.
Le gouvernement français poursuit plusieurs dirigeants et militants, perquisitionne les domiciles des militants, empêche leurs réunions... La majorité des upécistes deviennent des maquisards et se cachent dans des zones reculées.
Le 13 septembre 1958, Ruben Um Nyobè est assassiné par le gouvernement français dans la forêt où il se cachait et sa dépouille est exposée dans son village natal.
Le 3 novembre 1960, Félix Moumié, un leader de l’UPC est empoisonné et tué à Genève par les services secrets français.
Dès la fin des années 50, la France déporte un grand nombre de Camerounais vers des camps, saccage des plantations, rase des villages et met en place le travail forcé (construction de routes, de rails...). Le but étant d’éviter la contestation populaire.
À partir de décembre 1957, le lieutenant-colonel Jean Lamberton et Daniel Doustan mettent en place une Zone de pacification en Sanaga-Maritime (ZOPAC). Les territoires sont quadrillés et bombardés, les populations sont regroupées et exécutées.
La pacification de la Sanaga-Maritime a duré 1 an (de décembre 1957 à décembre 1958), le but était de briser le cœur de l’insurrection en reprenant les méthodes employées pendant la bataille d’Alger quelques mois plus tôt.
Au Cameroun, des patrouilles militaires et des milices sont envoyées dans le reste du territoire afin de traquer et éliminer les rebelles.
En parallèle, Pierre Messmer, Haut commissaire du Cameroun depuis 1956 débute une lourde répression des nationalistes à l’ouest, en région Bamiléké (image ci-dessous), et confie la mission au chef administratif de la région : Maurice Delauney.
Pendant cette guerre, les autorités françaises vont commettre des viols, des pillages, des incendies, des meurtres, des exécutions publiques, des émasculations... Obnubilés par les infos, ils vont pratiquer la torture (noyade, balançoire, chaise électrique) comme en Algérie.
Aujourd’hui professeur de littérature aux USA, Ambroise Kom était adolescent en 1959 quand l’armée française est venue occuper sa ville. Dans cet interview datant de 2011, il parle de fusillade publique et d'exposition de têtes tranchées pour intimider la population.
Le 31 mai 1959 est créée l’Armée de libération nationale du Kamerun (ALNK), la résistance clandestine est davantage organisée notamment à l’ouest, à l’est et au sud du Cameroun. L’ALNK avait des bases et des soutiens politico-militaires en Guinée, en Égypte, au Ghana et en Chine.
L’ALNK est aussi à l’origine de nombreux attentats dans plusieurs villes du Cameroun contre des français et bars/discothèques fréquentés par les blancs, notamment à Douala.
Pendant ce temps, le gouvernement français préparait l’indépendance de ses colonies en plaçant à la tête des nouvelles nations des hommes corrompus et formés par la France (Sedar Senghor au Sénégal, par exemple).
La mise en place du néocolonialisme (en Algérie, au Congo...) a pour but de préserver les intérêts de la France et sa main-mise sur l’Afrique; c’est pour ça que des hommes comme Thomas Sankara (au Burkina Faso) ou plus tard Mouammar Kadhafi ont été éliminés par la France.
Le 1er janvier 1960, l’indépendance du Cameroun est proclamée à Yaoundé par Ahmadou Ahidjo, président du pays en présence du secrétaire général de l’ONU et de représentants du régime de De Gaulle notamment.
Au même moment, une violente bataille se déroule à l’aéroport et dans les faubourgs de Douala (la capitale économique) entre les militants de l’ALNK et les forces françaises.
Pendant les premières années, l’ambassadeur français Pierre Bénard est parfois considéré comme le véritable président du Cameroun. L’indépendance n’est pas complète, des « conseillers » français sont chargés d’assister chaque ministre et ce sont eux qui gèrent vraiment le pays.
Par exemple, dans le domaine monétaire, le Cameroun conserve encore aujourd’hui le Franc CFA (comme 13 autres anciennes colonies françaises). C’est donc la France qui gère la politique monétaire de ces pays africains jusqu'aujourd’hui.
Pendant ce temps, l’UPC juge que l’indépendance du Cameroun n’est que simulacre et qu'Ahmadou Ahidjo n’est qu’un valet de la France. De violentes contestations continuent jusqu’en 1970 et elles seront matées par le président camerounais avec le soutien total de la France.
L’ALNK cherche à s’en prendre aux intérêts économiques de la France en multipliant les grèves : fonctionnaires, mécaniciens, employés de banque... pendant les années 1960.
Au même moment, la guerre en pays Bamiléké (à l’ouest du Cameroun) ne cesse pas après l’indépendance. Les upécistes gênent le gouvernement en place qui, avec le soutien de la France, va continuer une répression violente.
Max Bardet, pilote d’hélicoptère au Cameroun de 1962 à 1964 témoigne en 2014. Après avoir participé à la guerre d’Algérie, il a mené au Cameroun le massacre de milliers de civils avec l’utilisation de grenade au phosphore & au napalm, la décapitation ou encore le bennage.
Ancien membre de l’OAS et partisan de l’Algérie française, Max Bardet a ainsi participé à ces opérations de crimes de guerre à l’Ouest du Cameroun.
La guerre du Cameroun (1955 - 1971) est aujourd’hui encore tabou, ignorée et méconnue des autorités camerounaises (qui ont continué la lourde répression avec l’aide de la France) et des autorités françaises.
Mongo Beti (1932 - 2001) est un écrivain camerounais engagé et connu pour ses romans et réquisitoires contre le (néo)colonialisme. Son livre Main basse sur le Cameroun fut interdit, saisi, brûlé, l’éditeur poursuivi et l’auteur l’objet de multiples pressions et menaces.
En visite officielle à Yaoundé en mai 2009, François Fillon, à l’époque Premier ministre affirme que « tout cela, c’est de la pure invention » (voir l'extrait vidéo).
Le gouvernement français actuel ne reconnaît toujours pas cette guerre et au Cameroun on en parle très peu aussi. Il n’y a pas beaucoup de monuments rendant hommage aux héros de la résistance. Par exemple, ce mur se situe à Douala :
Et la statue d’Um Nyobè est à Eséka :
De plus, la guerre du Cameroun a été éclipsée par la guerre d’Algerie qui avait lieu à peu près au même moment. Pas étonnant car aujourd’hui encore, peu de personnes savent placer le Cameroun sur une carte ou même citer sa capitale.
Voilà ! J’espère vous avoir appris globalement ce qu’était la guerre du Cameroun.
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Thibaut
mbeatowe