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Soit je venais aujourd'hui, soit je me suicidais demain


Gentil Gendy
Published
June 5, 2020

Ce matin, j'ai appris une bonne nouvelle et j'ai envie de vous la partager.

Notre histoire débute il y a trois ans, j'étais d'accueil ce jour là, quand une dame vient sonner au portail. Je lui ouvre et je trouve une dame dans un état psychologique lamentable. Brisée, terrifiée, d'une tristesse absolue. Elle n'a pas encore dit un mot que je la fais rentrer dans mon bureau et la fais asseoir. Apès quelques minutes de larmes, elle arrive à m'expliquer ce qu'il se passe.

Elle est victime de violences de la part de son mari depuis des années, et aujourd'hui, elle a trouvé la force de venir nous le dire. Je ne dis rien, je la laisse parler, elle a besoin de dire les choses, elle cherche ses mots. Je comprends alors qu'il ne s'agit pas de violences physiques mais morales, bien plus dures à deceler et bien plus faciles à cacher quand on en est l'auteur.

Son conjoint est ce qu'on appelle un pervers narcissique, un type qui se complait à écraser les autres, à humilier, pour se donner de l'importance. Et c'est ce qu'il a fait pendant 5 ans.

Au début, tout allait bien, il était gentil, attentionné avec elle. Il lui choisissait ses vêtements, l'accompagnait partout où elle allait. Puis très vite, elle s'est rendu compte qu'elle ne mettait plus de jupe, plus de robe, plus de decolleté, qu'elle voyait moins ses amies, moins sa famille. Et ça a empirait avec le temps. Il avait réussi à la couper de ses proches.

Quand elle est tombé enceinte au bout d'un an de relation, elle en a été heureuse. Mais monsieur ne s'occupait pas de la petite, ou uniquement quand il y avait du monde et les gens disaient « quel bon père ».

Puis les insultes ont commencé. Elle n'avait pas perdu tout le poids qu'elle avait pris pendant sa grossesse alors il trouvait drôle de l'appeler « la grosse », puis « la truie », et de faire le cri du cochon quand elle sortait de la douche.

D'un naturel timide, elle ne disait rien, elle laissait faire. Pire, elle était même persuadée qu'il avait raison. Alors elle s'est mise au régime. Tellement au régime que la dame que j'ai en face de moi fait tout au plus 45kilos.

Elle continue de m'expliquer les détails de tous les jours, l'horreur au quotidien. Je prend l'audition, 4 heures durant, j'alterne entre questions et pauses, car elle pleure souvent. Elle arrive pour la première fois à en parler. Au bout d'un moment, je lui demande : pourquoi aujourd'hui, pourquoi pas plus tôt ?

Elle me répond qu'il est parti deux jours pour le travail, alors elle a fait ce qu'il lui a interdit, elle est allé voir ses parents, leur a laisser sa fille et a filé chez nous. J'ai encore dans la tête ce qu'elle a dit à ce moment là : « soit je venais aujourd'hui, soit je me suicidais demain » Le choc.

À la fin de son audition, je lui prends un rendez vous médical et je la fais raccompagner par la patrouille, je ne veux pas qu'elle prenne la route dans cet état. Elle va passer la nuit chez ses parents. De mon coté, je ne veux pas trainer, je veux cueillir ce fumier dès son retour.

Le lendemain, il est chez lui à 17 heures, placé en garde à vue à 17h05. Sa garde à vue est, je l'assume, jouissive. Il commence en faisant le bonhomme, puis au fur et à mesure des heures, il fait moins le malin. La deuxième nuit en cellule le fait craquer et il reconnait tous les faits. Mais bon comme il dit, « c'était pour rire ».

Il finit présenté au parquet, convoqué au tribunal pour quelques temps plus tard. En attendant, il est interdit de voir madame, sa fille et même de rester dans le département. Quand je l'annonce à la victime, elle hésite entre joie et terreur. Pour elle, il ne le respectera pas.

Peut-être qu'à ce moment-là, j'ai pris l'affaire un peu trop à coeur, cette dame et cette petite fille me font tellement mal au coeur. Alors, le lendemain, alors que je suis en repos, je fais les démarches pour faire venir un serrurier et je retrouve la dame à Leroy Merlin pour lui conseiller une alarme que j'ai ensuite installé.

Au tribunal, il s'est vu condamner à du sursis, a perdu la garde de sa fille. La vie pour elle reprend doucement son cour. Le temps passe et depuis environ un an, je n'ai plus de nouvelles, je sais juste qu'elle a déménagé. Puis ce matin, alors planton à nouveau, une dame vient sonner au portier.

Au début je ne la reconnais pas. Remplumée, maquillée, coiffée, bien habillée et surtout souriante !! Accompagnée d'une petite fille toute aussi souriante. Elle est passée me donner des nouvelles. Elle a un compagnon. Pour la première fois, il est resté chez elle et cela s'est bien passé. Un type bien, sans histoire, qui s'entend parfaitement avec la petite. Elle me dit qu'elle est heureuse.

J'ose demander si elle a des nouvelles de son ex. Elle me dit que non, plus depuis longtemps. Elle se sent en sécurité. Elle me dit alors merci. Franchement, ça me fait plaisir, je me dis qu'on a bien fait notre boulot.

Voilà, c'était ma bonne nouvelle du jour, celle qui me réchauffe le coeur.

Bon, elle avait pas d'attestation donc je lui ai mis une amende (mais non je déconne !!!). Bref, c'était ma bonne nouvelle du jour, et j'avais vraiment envie de vous la partager.


Gentil Gendy

Gendarme OPJ, j'aime raconter des anecdotes de carrière. Triple papa. Époux d'une italienne.