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Comment ne pas TUER des gens ? - Les erreurs de Reason


SOCA ø
Publié
May 3, 2020



Bonjour et bienvenue dans SOCA, l'émission qui parle de livres qui parlent de sciences humaines.

Dans cet épisode, on va s'intéresser aux théories et modèles de James Reason sur la thématique de la gestion des risques, qui ont permis de sauver un nombre incalculable de vies et de mieux comprendre en quoi le cerveau est une machine formidable, mais capable d'un nombre incalculable d'erreurs.

La gestion des facteurs humains

James Reason est un professeur de psychologie de l'université de Manchester. Il est spécialisé dans ce qu'on appelle la gestion des facteurs humains, c'est-à-dire l'étude de la contribution humaine dans un évènement. Ce domaine d'étude a principalement été impulsé par et pour le domaine de l'aviation.

Dans un avion, la gestion des facteurs humains permet de comprendre les raisonnements du pilote situé au sein du cockpit, parce que sécuriser la machine n'est pas suffisant pour éviter l'accident, il faut aussi prendre en compte les potentielles réactions, erreurs, certitudes, limites du pilote.

Cette étude ne se limite pas aux interactions homme-machine, mais aussi aux échanges homme-homme, comme par exemple entre le pilote et le co-pilote, ou le pilote et la tour de contrôle.

Bien évidemment, ce domaine ne se limite pas aux avions et s'étend à de nombreuses autres activités et particulièrement à celles où on n'a pas le droit à l'erreur, comme faire atterrir un 747, manipuler du plutonium, ou faire une chirurgie à cœur ouvert.

Les 3 types de défaillance

Reason est un grand expert de ce domaine de la gestion des facteurs humains. A ce titre, il a théorisé 3 types de défaillance.

Les défaillances actives

Les défaillances actives sont les erreurs liées à un acteur en prise direct avec le problème qui survient.

Par exemple, au bloc opératoire, une défaillance active serait un soignant qui prépare la mauvaise injection.

Ces défaillances actives peuvent être dûes à un nombre incalculable de facteurs, comme les conditions de travail, la fatigue ou le nombre de tâches à effectuer en même temps sur un moment donné.

Les erreurs latentes

Les erreurs latentes sont les erreurs dûes au système dans lequel le problème survient.

Par exemple, au bloc opératoire, une erreur latente serait de mettre 2 ampoules radicalement différentes côte-à-côte, ou de les marquer similairement.

Ces défaillances sont des problématiques organisationnelles qui encouragent directement la survenue d'une erreur dans le cadre de l'activité.

Les défaillances techniques

Enfin, les défaillances techniques sont les erreurs dûes à une machine ou un objet engagé dans l'activité.

Par exemple, dans le bloc opératoire toujours, une défaillance technique serait si la seringue casse ou si le respirateur tombe en panne.

Les plaques de Reason

Face à ces défaillances, Reason dit 2 choses.

Premièrement, l'erreur est inséparable de l'intelligence humaine. L'humain doit donc être placé au coeur du système de lutte contre l'erreur.

Deuxièmement, il ne faut pas mettre en place un système de défense contre l'erreur, mais plutôt une suite de remparts qui vont permettre de prévenir l'accident. C'est ce que l'on appelle les plaques de Reason, ou le fromage de Reason :

Vous comprenez directement la référence aux produits laitiers vu le schéma.

Mise en place de plaques de Reason

Pour mieux comprendre ce système, prenons une erreur qui, malheureusement, est arrivée dans plein de blocs opératoires différents : opérer la mauvaise jambe d'un patient.

Face à ce risque, mettons en place une plaque de Reason.

Une première règle pourrait être la suivante : avant d'arriver en salle d'opération, l'infirmier qui amène le patient en salle doit lui demander de confirmer quelle est la jambe à opérer.

Cette plaque va permettre, la plupart du temps, d'opérer la bonne jambe, mais, comme toutes les mesures de sécurité, elle contient des faiblesses. Le patient peut être confus, dément ou stressé et indiquer la mauvaise jambe. L'infirmier peut mal retransmettre l'information au chirurgien, le chirurgien mal comprendre l'information. Il peut s'agir de la bonne jambe mais du mauvais patient... Ainsi, cette plaque seule n'est pas suffisante.

La logique de Reason est alors de proposer une superposition de plaques pour se prémunir un maximum contre l'arrivée d'un événement indésirable parce que toutes ces plaques, individuellement, contiennent des failles.

On va alors superposer des plaques. On va aussi demander au patient son identité et la jambe concernée avant de partir de la chambre, en arrivant devant le bloc opératoire et encore une fois lorsqu'il est entré dans la salle d'opération. Puis on va confronter ces informations au dossier disponible auprès du patient et à celui disponible informatiquement auprès de l'équipe opératoire.

Ces exemples ne sont qu'une petite partie de toutes les précautions à prendre avant le début d'un acte chirurgical. Une check-list va être faite, et si tous les éléments, toutes les précautions, ne sont pas rencontrées, alors l'opération ne peut débuter.

Rajouter ces plaques ne permet pas d'arriver au risque 0, mais permet de le réduire drastiquement. Pour avoir un accident, il faudrait maintenant que le patient se trompe plusieurs fois en montrant la jambe à opérer, que le dossier montre la mauvaise information, que personne vérifie ce qui est dit entre le patient et le dossier...

Les 2 façons de voir les plaques

Précisons ici qu'on a deux façons de voir ces plaques.

Elles peuvent être vues comme une succession de mesures : les vérifications avant l'opération, la présence du dossier, le marquage des produits...

Mais elles peuvent aussi être vues comme la succession des domaines qui contribuent à la sécurité : le design, la culture de la sécurité, l'expertise en sécurité des acteurs ou les différentes procédures qui sont mises en place.

Cette vision des plaques d'horizon dépend de l'utilisation qu'on veut en faire et du domaine dans lequel celles-ci seront employés.

Quelles plaques ajouter ?

Évidemment, ces plaques, et donc ces procédures, ne viennent pas de nulle part. Elles émanent de 3 gestions différentes de la sécurité : une gestion réactive, proactive et prédictive.

Une gestion réactive, comme son nom l'indique, consiste à avoir une réaction face à un accident qui s'est déroulé. On va avoir recours aux retours d'expérience (les REX) et aux revues de mortalité et de morbidité. On va tenter de déterminer les mécanismes de l'erreur en marche lorsqu'un accident est arrivé pour en déduire des solutions et empêcher que ça se reproduise.

On a également ce qu'on appelle une gestion proactive, c'est-à-dire une observation et des comptes rendus qui sont faits sur l'activité. Le but est de réaliser une sorte de carte, de schéma de l'activité pour déterminer où les erreurs sont susceptibles d'arriver avant qu'elles n'arrivent.

Enfin, on a ce qu'on appelle une gestion prédictive de l'événement qui est plutôt une surveillance en sous-marin de l'activité afin de pouvoir identifier des dysfonctionnements qui peuvent amener à des accidents.

Evidemment pour aboutir à une gestion des risques efficace, on assiste souvent à une association des 3 types de gestion pour avoir une vision sur tous les angles et avoir la meilleure prévention possible des accidents qui pourraient arriver.

Conclusion

James Reason n'a pas été le premier à s'intéresser à ces questions là, mais c'est un acteur hypra-important de la thématique de la gestion des facteurs humains. Ses théories et ses modèles ont influencé et influence encore aujourd'hui beaucoup la façon dont on essaie de prévenir les accidents dans les milieux à risque.

Pour aller plus loin

Voilà pour cette émission. Comme d'habitude, je ne vous laisse pas seul(e) dans la nuit et vous conseille 2 contenus pour pouvoir continuer si cette thématique vous intéresse.

D'abord, je vous encourage à regarder des gens qui se pètent la tronche. En plus d'être relativement drôles, c'est un bon moyen d'exercer les théories qu'on vient de voir, à savoir : est-ce que c'est une erreur active, lattente, technique ? Est-ce qu'elle aurait pu être prévue ? Si oui, comment ? Personnellement, ça m'arrive de le faire. Ne me jugez pas...

La seconde vidéo que je vous invite à regarder, c'est une vidéo de James Reason lui-même qui explique son modèle et ses diverses ramifications. Rien que pour le moment où il tient 2 tranches de fromage pour expliquer sa théorie, ça vaut le coup.



Voilà, j'espère que cet article vous a plu ! N'hésitez pas à vous abonner afin de pouvoir être tenu au courant des prochains épisodes qui vont sortir. En attendant, je vous souhaite une superbe journée, soirée ou nuit.



Vidéo par Valentin Chapelain, synthèse textuelle par Lucas Willems


SOCA ø

Émission qui traite de concepts clés qui ont jalonnés l'histoire de la sociologie, de la philosophie, de l'anthropologie.