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Les tests sérologiques : pourquoi santé publique et politique ne font pas bon ménage


Publié
October 12, 2020

Un débat a lieu en UK (au 28/06/2020) où le gouvernement se propose de faire monter en puissance le dépistage à la demande par des tests sérologiques rapides. Une démonstration que santé publique et politique ne font pas bon ménage (à la lecture de cet article).

Un débat qui serait sans doute salutaire en France, ne serait-ce que du point de vue scientifique et de la santé publique, mais dont nous devrons nous passer car comme d'habitude, la vérité scientifique se diffuse en France de manière descendante, des experts vers la populace, ce à quoi la majorité ne trouve rien à redire.

La constitution d'un conseil scientifique, non exempt de conflits d'intérêts multiples et variés, ayant obéré d'office toute possibilité de débat, puisque ce conseil est réputé tracer la voie à suivre selon le plus haut degré de preuve scientifique, et le fait que ce conseil ait maintenant de la concurrence, en la personne d'un professeur qui utilise les mêmes arguments d’autorité, ne change pas grand chose à la possibilité de débattre scientifiquement des choix opérés.

La nature politique des décisions prises apparaît plus clairement en UK puisque la décision de généraliser des tests sérologiques rapides est attribuée à Boris Johnson, qui les a présentés comme "changeant la donne" et permettant d'accéder à des "passeports d'immunité".

La palme du meilleur commentaire au sujet de ce programme de testing intensif revient à Dido Harding, le responsble du programme de test et de traçage du NHS: "ce que vous dit un test qui montre que vous avez des anticorps... c'est que vous avez des anticorps".

Autrement dit, on n'a pas la moindre idée de ce que cela signifie, ni en termes de contact préalable avec le SARS-CoV-2, ni en termes d'éventuelle protection contre une future infection.

On se souvient peut-être que, en France, la liste de tests sérologiques publiée officiellement ne semblait pas répondre à une logique scientifique ni aux préconisations de la HAS : quelque chose s'était perdu en route sans doute (cf. mon tweet à ce sujet).

En UK, ce sont Roche et Abbott, deux des tops 10 compagnies pharmaceutiques (Abbott s'est scindé en 2011 en Abbvie et Abbott) qui ont gagné ce marché lucratif :

C'est alors qu'une vingtaine d'éminents professeurs du NHS ont pris leur plus belle plume pour signer une tribune dans The BMJ qui dénonçait le gaspillage de moyens publics que cette campagne représentait.

Voilà qui aurait peu de chances d'arriver en France. Mais les britanniques sont très conscients du coût que représente le système de santé et de la nécessité de réserver les maigres moyens qui leur sont alloués à des interventions pertinentes, qui améliorent vraiment la santé.

En fait, le problème a débuté lors de l'évaluation des tests par le PHE (Public Health England), mêlant précipitation, complaisance et incompétence (?).

À ce stade, tout le monde sait, même si beaucoup feignent encore de l'ignorer, que les sociétés pharmaceutiques ou de vente des dispositifs médicaux utiliseront toutes les possibilité qui leur sont laissées ouvertes pour truquer les essais et fausser les résultats en leur faveur. Et en l'occurrence ce fut un festival.

Les deux sociétés, Roche et Abbott, allèguent sans complexes et sans sanctions des performances qui ne correspondent à rien : d'après eux, 100% de précision de leurs tests +/- 2 semaines après le début des symptômes et confirmation par PCR, si ce n'est que ces performances n'ont été trouvées que sur des échantillons correspondant à quelques patients hospitalisés, certains patients ayant été inclus plusieurs fois, et d'autres, asymptomatiques, exclus. C'est gênant pour des tests destinés au dépistage en population générale.

Le professeur Jon Deeks, biostatisticien, a dirigé une revue Cochrane sur le sujet, désormais publiée, où les données étaient disponibles pour 27 tests sur plus de 200 commercialisés (voir la revue) :

Le problème est que les compagnies n'ont pas respecté les règles d'évaluation de leurs tests, établies de longue date. Elles les ont évalués elles-mêmes. Et on les a laissées faire et pris pour argent comptant les informations bancales fournies.

Alors : toujours mieux que rien ? Ce n'est pas l'avis des professeurs qui ont manifesté leur désaccord. Ces tests ne permettraient ni de gérer les patients individuellement, ni de connaître la prévalence de l'immunité contre le SARS-CoV-2 dans la population.

Autrement dit, à part donner à la population l'impression d'agir et lui faire plaisir, cela ne sert pas à grand chose d'autre qu'à gaspiller de l'argent public. Ces tests ne pourraient nous apprendre quelque chose que dans le cadre d'études structurées.

Quant aux tests par PCR, n'oublions pas qu'ils ont leurs travers. 40% de faux négatifs est une estimation conservatoire. Ils ne sont qu'une estimation à un instant T, tel un instantané qui manque forcément surtout les cas moins sévères, ceux où le virus est éliminé rapidement.

Le test PCR ne vous dit rien sur ce qui s'est passé avant, ce qui se passera après, et peut aussi rater une infection actuelle : son intérêt est donc très limité en cas de faible circulation virale et proposé à la demande sans démarche structurée.

L'intérêt de ce type de tests pour évaluer le taux d'attaque (nombre total de personnes infectées) dans une population circonscrite dépend, entre autres, du temps moyen pendant lequel il reste positif pour les individus de cette population.

Par exemple, que signifie 0,8% de positifs au PCR lors des tests effectués en Islande, ou 3% de positifs dans la ville de Vo Euganeo ? (cf. mon tweet à ce sujet)

Si le PCR est capable de détecter du matériel génétique du SARS-CoV-2 chez les malades pendant 5 jours en moyenne, cela peut signifier que tous les 5 jours, 0,8% ou 3% de la population est infectée. En tous cas, au moment où on fait cette étude, le virus a circulé pendant plusieurs mois. Même si la durée moyenne de positivité du PCR était plus longue cela rendrait très improbable les estimations de l'ordre de 5% de la population infectée par le SARS-CoV-2.

Il s'agirait maintenant de faire un vrai travail scientifique plutôt que des opérations de com sur le sujet. C'est pourquoi je disais que la politique et la santé publique ne font pas bon ménage.



Ceci est l'archive de mon thread Twitter, faite par l'archiveur de threads de Share.


Claudina Michal-Teitelbaum

Médecin. "Learning well is better than learning a lot."