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J’avais promis un article sur une des choses qui me fascine le plus dans la science ! Je vais vous parler d’un aspect fondamental des théories scientifiques : leur capacité à faire des prédictions ! Et comme je suis un biologiste amoureux des végétaux, je vais vous parler de l’orchidée de Darwin !
Si vous n’êtes pas trop familiarisé avec le concept d’évolution et de sélection naturelle, avant de lire cet article, je ne saurai que vous recommander de regarder cette vidéo de DirtyBiology :
Darwin publie en 1862 (3 ans après l’origine des espèces) un ouvrage sur la pollinisation des orchidées. Il prend cet exemple pour mettre sa théorie à l’épreuve en y exposant de nouveaux arguments ! Parmi les nombreux exemples, il cite l’orchidée comète de Madagascar Angraecum sesquipedale :
Cette orchidée est particulièrement remarquable parce qu’elle présente un éperon de près de 30 cm (flèches rouges sur la photo). C’est un tube particulièrement long chez cette espèce qui renferme un nectaire ou glande à nectar.
Cet organe produit un liquide sucré (nectar) qui a pour fonction d’attirer les animaux pollinisateurs (🐦🦋🦇). L'animal venant se nourrir de ce nectar se charge de pollen et participe à la pollinisation en transportant un mélange de pollen de fleur en fleur !
Darwin s'interroge sur la longueur démesurée de cet éperon et de son rôle éventuel !
Inspiré par l'observation des papillons sphinx anglais, il émet l'hypothèse que contrairement à leur cousin anglais qui ont des trompes plutôt modestes, il doit exister à Madagascar des papillons nocturnes avec des trompes suffisamment longues pour venir prélever le nectar car la visite de la fleur par ce type de papillon semble indispensable à la survie de ce type d’orchidée.
Darwin calcule donc la taille théorique de cette trompe démesurée en prenant compte de 2 contraintes : (i) pouvoir atteindre le nectar et (ii) être simultanément positionné pour emporter du pollen. Il en déduit une taille entre 25 et 27 cm.
Problème : personne n’a jamais observé de sphinx répondant aux contraintes citées par Darwin.
Face aux moqueries de ses contemporains, son collègue et ami Alfred Russel Wallace le défend avec conviction. Il affirme que si la théorie de l’évolution s’avère exacte, on peut prédire avec confiance l’existence d’un tel papillon.
L’adaptation du nectaire et de la trompe s’expliquerait par le phénomène de coévolution. Une série de transformations se produisent au cours de l’évolution de deux espèces suite à leurs influences réciproques expliquant l’observation des naturalistes.
Selon le modèle proposé par Darwin et élaboré plus tard par Wallace, dans une population d’orchidées, celles qui ont le nectaire le plus long ont un avantage sélectif car elles optimisent le contact des butineurs avec les sacs de pollen. De même, les papillons à longue trompe ont un avantage sélectif parce qu’ils récoltent plus de nectar. Cette coévolution se serait produite graduellement par alternance.
Mais problème : impossible de trouver ce fameux papillon...
... jusqu’en 1903 où on découvre un sphinx correspondant aux contraintes évoquées par Darwin 40 ans plus tôt !!
En l’honneur de la prédiction géniale de Darwin, on le nommera Xanthopan morgani praedicta, en d'autres termes "le papillon qui était prédit".
Mais il faudra attendre 1997 soit 135 ans après la prédiction Darwinienne pour avoir la confirmation définitive par des observations directes que ce papillon est bien le pollinisateur de l'orchidée-comète.
Si vous êtes arrivé au bout de cet article, c’est que vous êtes surement autant fascinés que moi par cette extraordinaire capacité de prédiction des théories scientifiques ! Sans oublier la géniale conceptualisation de ces grands hommes.
Pour aller plus loin :
Merci de m’avoir lu et n'hésitez pas à partager !
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Yann Duroc
Docteur en génétique végétale & Ingénieur Agronome - Science & biotechnology lover ! Contre tous les obscurantismes