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— Tu sais comment on fait pour protéger une maison menacée par les inondations ?
— Ben... on la soulève.
À Hensies, les maisons de la cité des Sartis ont été relevée de 1m50 à 2m pour les préserver des inondations causées par les affaissements miniers en 1934.
Les maisons soulevées dans les années 1930, ça avait l'air de vous intriguer, alors pourquoi qu'on fait et comment qu'on fait ?
La pratique de relever des bâtiments et des monuments est "commune" depuis la seconde moitié du 19e siècle. On relève, on abaisse des rues, des églises et des maisons selon les besoins. Ici, un extrait d'un prospectus publicitaire des années 1930 de l'entreprise Lecharlier :
Des fois, on déplace même des parties de bâtiment. Ici, l'église de Jupille près de Liège :
Dans les bassins miniers touchés par les affaissements miniers, les bâtiments sont fréquemment déstabilisés et/ou exposés aux risques d'inondations, soit par débordement des cours d'eau, soit par remontée des nappes souterraines. Et quoi qu'on fait ? On soulève les bâtiments !
Il s'agit souvent de relèvement/abaissement de quelques dizaines de centimètres comme ici en Moselle :
Mais parfois, le bâtiment est tellement descendu par rapport au niveau avant l'exploitation des mines qu'il faut le relever de plusieurs mètres. Ce fut le cas du château Pennaroya à Noyelles-Godault dans le Pas-de-Calais en 1929. Le château a été relevé de 3m60 !
A Hensies, dans les années 1920, les charbonnages d'Hensies-Pommeroeul ont construit une "colonie" de 40 bâtiments pour leurs ouvriers et leurs ingénieurs. MAIS, à la suite des affaissements miniers, la colonie des Sartis (c'est son nom) se trouve exposée aux inondations du canal de Mons-Condé qui passe à proximité. Les charbonnages envisagent deux solutions : ajouter un étage aux bâtiments ou les relever d'environ 1m75. C'est la 2e solution qui est choisie afin de préserver l'aspect "esthétique" de la "colonie"...
Bon ok, mais comment qu'on fait ?
Les maisons sont d'abord séparées de leurs fondations. On casse les trottoirs et on creuse autour de la maison. Ensuite, on scie les fondations et on insère des cales.
On creuse le béton à la base de la maison pour créer une petite cavité qui accueillera les vérins hydrauliques qui soulèveront le bâtiment.
Ensuite on insère le vérin dans la cavité.
Et hop ! On soulève. Les maisons ouvrières, groupées par 2, pèsent ensemble 320 tonnes. Les maisons d'ingénieurs, 480 tonnes. Il leur faut respectivement 38 vérins et 52 vérins pour être relevées de 1m75. L'opération prend 22 jours au total par groupe de maisons.
Pendant les travaux, la maison reste occupée car les travaux de démolition et de relevage se font dans les caves. Une fois la maison relevée, on remplit les vides en dessous par du béton ou des briques et on enlève progressivement les vérins.
Le relèvement de la colonie des Sartis s'effectue entre 1933 et 1934. Le résultat est bluffant. À gauche, on voit la situation avant les travaux. Les maisons sont à même le sol. À droite, on voit la situation à la fin des travaux : un escalier a été ajouté.
Relever les bâtiments est une pratique relativement "habituelle" dans les régions minières. Elle permet de rendre une "deuxième vie" à des bâtiments parfois gravement endommagés comme ce restaurant lorrain.
Et c'est un procédé très impressionnant. Ici, le photographe s'est placé en dessous d'une maison en train d'être relevée à Hensies (et faut avoir confiance pour faire ça...)
Ceci est l'archive de mon thread Twitter, faite par l'archiveur de threads de Share.
Dr. Kevin Troch
Gestionnaire des collections de l'Université de Mons. Muséogeek du MUMONS. Docteur en histoire. Historien de la géologie et des mines.