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Le dérèglement démographique : Japon, Corées, Afrique, Amérique latine et Israël


Published
May 3, 2020



Cet article présente les situations démographiques extrêmes du monde actuel.

Le Japon

La population japonaise est une des rares dans le monde à avoir baissé de 2008 à 2019, passant de 128,01 millions à 126,7 millions d'individus. Pourquoi ? Les japonais "vieillissent" rapidement, c'est-à-dire que la part de la population âgée au Japon augmente vite : en l'an 2000, 15% de la population est âgée de 65 ans ou plus, contre 28% en 2018 et 40% prévu en 2050. Autre chiffre : il y a près de 70.000 centenaires dans le pays. Le vieillissement des japonais pourrait engendrer une hausse des coûts de santé et de sécurité sociale d'environ 60% entre 2018 et 2050.

Le taux de fertilité est quant à lui en baisse depuis 2008 : il est de 1,25 enfants par femme, alors que le seuil normal de renouvellement de la population est de 2,1. Depuis 2017, le taux de décès dépasse celui des naissances. Ce décalage a notamment engendré une baisse de 400.000 individus dans la population japonaise en 2018.

L'espérance de vie à la naissance a atteint 87 ans pour les femmes et 82 ans pour les hommes ; c'est l'espérance de vie la plus élevée au monde. Combinée au faible taux de reproduction, on comprend ainsi le phénomène de vieillissement qui a lieu au Japon.

Le problème, c'est que la partie de la population active, celle qui paye les taxes, est de moins en moins nombreuse. La main d'oeuvre se fait donc rare, et c'est pourquoi les entreprises font pression pour ouvrir les frontières à l'immigration. Néanmoins, les hommes politiques et la population en générale s'opposent à cette idée.

La Corée

Suite à la guerre de Corée (1950-1953), un baby boom fait passer le taux de natalité de 5,4 à 6,3 enfants par femme en 1960 en Corée du Sud. Des mesures politiques sont prises dans les années 1970 pour limiter à 2 le nombre d'enfants par couple, ce qui fait chuter le taux de fécondité à 2,1 enfants par femme. En 2018, il est à 0,98, un record mondial. La première maternité chez les femmes a lieu en moyenne à l'âge de 31 ans. Toutes les mesures politiques et financières prises pour relancer le taux de natalité (105 milliards de dollars depuis 2005) ont échoué.

En parallèle, l'allongement de l'espérance de vie est un facteur prédominant : 85 ans chez les femmes et 79 ans chez les hommes. La part de la population âgée est donc de plus en plus importante. Il est par exemple envisagé que les personnes de plus de 65 ans représenteront plus de 38% de la population totale en 2050. La Corée serait alors officiellement le pays le plus vieux au monde.

Ce vieillissement a diverses contreparties socio-économiques:

  • La population en âge de travailler diminuera à compter de 2020 pour atteindre 27% de la population totale en 2050, engendrant des hausses de coûts salariaux et un ralentissement de la croissance.
  • Les seniors vivent en majorité sous le seuil de la pauvreté, notamment les femmes qui bénéficient moins du système de retraite. Il y a trois fois plus de suicides chez les personnes âgées en Corée qu'en France.

Pour résumer ces deux premiers cas, la principale différence entre le phénomène de vieillissement dans les pays asiatiques et la France, c'est la brutalité du changement. Il a fallu 100 ans à la France pour passer d'un pays vieillissant (7% de la population a plus de 65 ans) à un pays vieilli (14% de la population a plus de 65 ans). Ce doublement s'est effectué en à peine 20 ans pour le Japon et la Chine, et en 18 ans pour la Corée. L'Asie accueille aujourd'hui le plus de personnes âgées de plus de 65 ans au monde, avec 55% de telles personnes, contre 21% en Europe, et 9% en Amérique du Nord.

L'Afrique

L'Afrique est le berceau d'une trajectoire démographique exceptionnelle par rapport aux autres zones géographiques mondiales. Parmi ses 1,3 milliards d'habitants, la moitié a moins de 25 ans ; c'est donc un continent très jeune. Le Niger est le pays avec le plus haut taux de fécondité au monde, 7,2 enfants par femme. L'âge moyen est de 15 ans. Le pays débute tout juste sa transition démographique, et sa population pourrait tripler d'ici 2050. Le Nigeria est un cas similaire, tant sur le point de vue de la natalité importante que de l'état d'avancement de la transition démographique. Au niveau du continent, on prévoit 3 milliards d'individus vivant en Afrique en 2050, et entre 4 et 4,5 milliards en 2100, ce qui représentera alors plus du tiers de l'humanité.

D'un point de vue économique, selon la banque africaine du développement, 12 millions d'emplois devront être créés en Afrique pour compenser le taux de chômage des jeunes. Il s'agit là également d'un danger pour la stabilité politique du continent.

Le fonctionnement familial et éducatif, dans la plupart des pays d'Afrique, est différent du reste du monde. En Afrique noire, on pense en termes de familles élargies. Un adulte de la famille — un oncle, une tante ou un grand-parent — qui a plus de ressources que les autres peut élever n'importe quel enfant de la famille étendue, et couvrira tous les frais pour le nourrir, l'habiller et l'envoyer à l'école. Ainsi, faire un enfant n'engendre pas tant de frais supplémentaires pour les couples. C'est pourquoi les familles ne sont pas incitées à diminuer le nombre d'enfants à charge, malgré les initiatives de la politique dans cette direction. Notons que ces phénomènes varient fortement selon que le territoire est urbain ou rural : en ville, le taux de natalité peut se rapprocher de 2, et atteindre 8 à la campagne.

Le Maghreb n'est pas dans le champ de cette analyse, puisqu'il a achevé sa transition démographique depuis plus d'une décennie. Une exception: l'Égypte, pays le plus peuplé du monde Arabe et du bassin méditerranéen. Grâce ou à cause d'un marché de l'emploi fermé aux femmes, la maternité a lieu de plus en plus tôt et, conséquemment, le taux de fécondité est reparti à la hausse ces dernières années.

L'Amérique Latine

La plupart des pays d'Amérique du Sud suivent une trajectoire similaire à celle des pays asiatiques, avec une fécondité qui a baissé très rapidement il y a 30/40 ans. En 2019, on compte 648 millions d'habitants sur le continent, contre 712 millions anticipés pour 2100. À titre de comparaison, on pensait en 1987 que le continent compterait 1,2 milliards d'habitants en 2100.

Israël

En 2018, Israël compte 9 millions d'habitants, dont 1,9 millions d'arabes israéliens, soit 20% de la population. Les 6,7 millions de juifs représentent quant à eux 75% de la population du pays. En comptant également les 4,3 millions d'arabes vivant sur les territoires palestiniens, il y a presque autant d'arabes que de juifs dans cette zone géographique.

Les femmes arabes israéliennes avaient 7 enfants en moyenne jusque dans les années 1970, mais la transition démographique qui a eu lieu dans l'ensemble du monde arabe a ramené ce taux à 3,11 environ. Celui des femmes juives est un peu supérieur et de 3,16 enfants par femme. Les femmes palestiniennes font 4,25 enfants en moyenne, contre 6 pour les femmes de la communauté des juifs orthodoxes. Cette dernière communauté, quoique ne représentant que 12% de la population, est donc un acteur principal dans la natalité du pays, et devrait donc prendre une part de plus en plus importante à l'avenir. Le problème, c'est que cette communauté ne travaille pas, pour des raisons religieuses, et constitue donc une charge économique pour l'Etat.

Conclusion

Le vieillissement démographique est un des plus grands changements sociaux du XXIème siècle. Il ne s'agit pas nécessairement d'une catastrophe: l'homme sait s'adapter à tout et notamment, alors que l'espérance de vie s'allonge, l'état de santé des personnes âgées s'améliore également. La prise en charge des aînés a déjà traversé notre histoire. En France, les systèmes de retraite coûtent 30 milliards d'euros par an aujourd'hui, et ces coûts devraient doubler d'ici 2060 selon le ministère de la santé. Cela se répercutera sur les charges payées par la population active. Ainsi, de nombreuses problématiques à propos des systèmes de retraite et de la possibilité du travail des personnes âgées vont se poser.

Notons que d'autres phénomènes socio-culturels viennent influencer voire bouleverser le phénomène démographique. C'est le cas de l'immigration massive par exemple, non détaillée ici. Alors que l'Allemagne et le Japon souffrent d'un problème similaire de vieillissement important, le premier s'est ouvert à l'immigration contrairement au second. Les japonais misent davantage sur la robotique pour palier au manque de main d'oeuvre et pour s'occuper des personnes âgées.

Avec l'amélioration des modes de vie, la fin des transitions démographiques et l'accroissement du statut des femmes, Il semble inéluctable que le nombre d'enfants par femme est amené à baisser globalement. La procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui et l'utérus artificiel ne vont probablement rien arranger, tant cette tendance à la baisse semble irrémédiable. Il faut en tout cas faire attention à ces technologies qui permettront à des individus quelconques, par exemple seuls, d'avoir des enfants. Cela va amener subrepticement l'État à déployer des politiques de contrôle pour éviter que la responsabilité des naissances ne soit laissée à des individus qui ne la méritent pas.

On peut même penser que l'État pourrait vouloir contrôler exactement les naissances, de sorte que ces dernières ne soient plus soumises à la volonté des individus. Les naissances feraient alors l'objet de quota, et les embryons seraient sélectionnés et modifiés génétiquement.



Texte écrit par Lucas Willems


Géopolitique Profonde

Synthèse politiquement incorrecte.