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Les croisades : un choc entre civilisations ?


Publié
July 14, 2020

Les croisades, exemple même du choc entre civilisations ? Et si on vous disait au contraire que c'est d'une croisade qu'on a ramené un symbole universel de paix, encore utilisé aujourd'hui...? Embarquez pour une histoire pleine de Turcs et de Bourguignons !



On est en 1443 et le pape proclame une croisade. Désormais, on ne vise plus Jérusalem : depuis près d'un siècle, l'objectif est de stopper l'avancée inexorable du puissant empire ottoman. Donc, destination la Hongrie ou Constantinople.

Le duc Philippe de Bourgogne se dit qu'il participerait bien à cette croisade. Pas en personne, évidemment, il ne faut pas exagérer : il envoie quelques centaines d'hommes, dirigés par le seigneur de Wavrin, et leur donne une dizaine de navires.

Cette croisade bourguignonne s'est faite connaître par la chronique rédigée ensuite par Jehan de Wavrin, le neveu du seigneur qui la dirige. Récemment éditée aux Anacharsis Éditions par Joana Barreto, c'est un texte fascinant (et très drôle).

Nos Bourguignons partent donc pour aller se battre contre les Turcs. Sauf que soudain, on apprend que les Mamelouks d'Egypte assiègent l'île de Rhodes (alors possédée par les Hospitaliers) ! Le pape ordonne donc aux Bourguignons d'aller plutôt aider Rhodes que Constantinople.

Mais rien n'est simple. Wavrin est à ce moment-là à Venise, et les Vénitiens sont des partenaires commerciaux du sultan mamelouk... Ils empêchent donc Wavrin de partir en croisade, pour préserver leurs intérêts commerciaux.

Du coup, Wavrin fait voile vers Constantinople comme prévu au début. Il tente de défendre le détroit des Dardanelles, mais les Turcs parviennent à faire passer une armée de l'Anatolie vers la Grèce. Et cette armée passe à bord de navires... génois.

Eh oui, ça se complique. Les Génois sont en effet les grands rivaux des Vénitiens. Vu que les Vénitiens soutiennent la croisade (le pape lui-même est vénitien), les Génois choisissent donc de soutenir les Ottomans ! Au temps pour la croisade « choc des civilisations »...

L'armée turque franchit donc le Bosphore et va gaiement massacrer l'armée croisée à Varna, sur les bords de la mer noire. Le roi de Pologne (Ladislas III Jagellon) y trouve la mort.

Restés à Constantinople, Wavrin et ses hommes s'ennuient. Ils décident alors d'aller se battre en Mer noire et deviennent... des pirates ! Et le pire, c'est que leurs cibles ne sont même pas des Turcs. L'un des navires bourguignons attaque ainsi un vaisseau grec !

Quand on lui fait remarquer que ce sont des chrétiens, et que quand même il est un peu censé être un croisé, le capitaine bourguignon répond que ce sont des "schismatiques" et qu'il a le droit. Une réinterprétation assez libre de ses vœux de croisade...

Bref : impossible de faire de cette croisade un symbole de l'antagonisme éternel opposant christianisme et islam. Des chrétiens collaborent avec les musulmans (Vénitiens+Mamelouks / Génois+Ottomans), et les croisés préfèrent piller des Grecs que combattre des Turcs...

En outre, quand on lit la chronique de Jehan de Wavrin, on est frappé par son style très calme. Aucune épithète négative, aucune critique des Turcs : il y a des combats, des morts, des blessés (Wavrin lui-même perd sa main), mais pas de haine de l'autre.

En mer noire, nos Bourguignons s'embarquent dans une laborieuse intrigue diplomatique : ils soutiennent un seigneur turc qui prétend être le vrai sultan... Ce personnage leur apprend alors une façon de parlementer avec les Turcs.

Il suffit de hisser un drapeau blanc, et le combat s'arrête, suffisamment longtemps en tout cas pour discuter. Sitôt dit, sitôt fait, à la grande admiration des Bourguignons qui, visiblement, ne connaissent pas ce symbole jusque-là.

En réalité, le drapeau blanc est déjà connu en Occident, utilisé notamment durant la guerre de Cent Ans. On ne sait pas trop d'où cette pratique vient : peut-être la Rome antique, peut-être la Chine des Hans... ça reste assez obscur apparemment.

On ne peut donc pas dire que le drapeau blanc est découvert par les croisés : reste que les Bourguignons semblent bien ne pas connaître cette pratique, et, à ce moment-là, l'apprendre des Turcs.

Une belle image, à opposer à tous ceux qui rêvent de croisades emplies de haines et de massacres : de cette étrange croisade de 1444, les croisés Bourguignons ramènent finalement... un symbole de paix. Retrouvez notre article du jour, Le drapeau blanc, fruit de la croisade ?, sur Libé !


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