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Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler de Y.
Y a 8 ans, est autiste et subit de plein fouet les difficultés de prise en charge des personnes autistes ainsi que de son aidante, sa maman.
Sa maman est tombée enceinte en couple. Un couple amoureux, aimant et impatient de devenir parents. Puis Y est arrivé et ses difficultés se sont rapidement fait sentir. Le père prit peur et s’enfuit, laissant son ex-compagne seule avec le différences neurologiques de son fils.
Elle se retrouva du jour au lendemain seule, à devoir gérer le diagnostic, les prises en charge, les pédiatres, les professionnels de santé, les transports, l’école, la vie quotidienne, les plannings.
Dans ces conditions, impossible de travailler et d’exercer sa profession d’ingénieure. Elle démissionne et se consacre à son fils. Leur niveau de vie passe de deux salaires très confortables, une maison cossu dans un quartier résidentiel et des vacances au soleil, aux aides sociales, un appartement presque miteux et des pommes de terre. Les maigres économies passent dans les vêtements de Y qui continue de grandir, et les cadeaux de Noël auxquels elle tient particulièrement.
Bref, Y est autiste et sa mère se heurte à toutes les difficultés inhérentes au grand oubli de ce trouble par notre société. Elle galère : école, soins, prises en charge, porte-monnaie... Et elle fatigue.
Mais elle ne déroge pas à son « devoir » de mère aimante. Son fils, malgré l’épuisement, elle l’aime plus que tout. Sa patience tient le coup, malgré les listes d’attente des professionnels de notre petite ville : un an en CMPP, deux ans en orthophonie libérale, trois ans en psychomotricité.
Aujourd’hui, elle m’annonce : la prise en charge d’Y a été acceptée dans un centre pluridisciplinaire spécialisé, après deux ans d’attente. Il va enfin bénéficier d’un éducateur spécialisé, un psychomotricien, des activités de groupe.
La maman est ravi, il va pouvoir partir des demi-journée, ou des journées complètes. Elle espère reprendre une activité professionnelle. D’ailleurs, c’est le centre qui s’occupe de venir le chercher à leur domicile.
Seule ombre au tableau : la prise en charge de l’orthophonie est maintenue, mais pas celle des transports pour y aller. Et le centre ne s’en occupe pas car il ne dispose pas d’un tel professionnel sur place.
Ça me paraît fou. Dans un mois, il sera pris en charge par ce centre, il aura toujours les mêmes troubles et aura toujours besoin d’orthophonie. Mais cette fois-ci, les transports ne seront plus remboursés.
Elle m’explique que cette prise en charge en orthophonie est demandé par le CMPP, raison pour laquelle les transports sont pris en charge. Mais par le centre, ça ne compte pas, donc pas remboursés.
Deux solutions s’offrent à elle : (1) soit elle arrête la prise en charge en orthophonie, ce qui est impensable, (2) soit elle l’emmène elle-même. Elle n’a clairement pas les moyens de faire appel à un taxi privé.
Outre la difficulté de conduire à côté de son fils sans pouvoir s’en occuper — car ce dernier réclame de l’attention particulièrement en voiture — il y aura deux jours par semaine où elle ne pourra pas travailler l’après-midi.
Trouver un emploi dans la situation dans laquelle elle est relève alors du défi. Avec de telles contraintes, elle devra rester dans la précarité. Elle n’a pas le choix. Reprendre le travail mettrait en péril la prise en charge de son fils et de son autisme.
Les yeux dans le vague, elle me murmure que le moindre obstacle devient rapidement une montagne. Qu’elle est fatiguée. Et je la comprends.
Y s’agace. Elle lui demande doucement d’arrêter de donner des coups de pieds dans mon siège. Je branche la playlist que j’ai faite pour lui. Il s’apaise. Il répète d’une voix stridente le mot « vacances ». Lui, contrairement à ses camarades, n’en as pas eu. Il est fatigué.
Quand je les dépose chez eux, sa mère me dit qu’elle a demandé une aide au conseil départemental pour les transports vers l’orthophoniste, mais que le délai est d’environ un an avant une réponse et que le dossier est très compliqué à monter.
Elle glisse « J’ai été ravie de vous connaître, merci d’avoir toujours été gentille avec Y » avant de tourner les talons en tenant la main de son fils.
C’est sûrement la dernière fois que je l’emmenais. Mais ce n’est pas la dernière fois que je trouverai quelque chose d’injuste et que j’aurai la rage au ventre.
Notre système de prise en charge des enfants autistes ou trisomiques est à chier. Il est injuste pour les parents et pour les enfants. Et ça m’énerve.
Voici l’histoire de Y, et surtout l’histoire de sa maman, une héroine étouffée par la charge mentale et la solitude. J’espère que vous êtes à présent aussi en colère que moi.
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Ambulancière en carton
Ambulancière diplômée mention caféine, option humour noir. Ma position préférée ? la PLS.