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Pourquoi reproduit-on les mêmes erreurs à chaque pandémie ?


Publié
Révisé
July 23, 2020
Il y a 3 années

Commençons par le commencement. Qu'est-ce qu'une pandémie ? Quelle réponse choisissez-vous ?

Réponse 1. Une pandémie de X survient lorsqu'un nouveau virus X apparaît contre lequel la population humaine n'est pas immunisée, ce qui entraîne plusieurs épidémies simultanées dans le monde entier avec un nombre énorme de décès et de maladies.

Réponse 2. Une pandémie de X survient lorsqu'un nouveau virus X apparaît contre lequel la population humaine n'a aucune immunité.

Quelle est la réponse la plus appropriée pour vous ? J'ai demandé aux personnes qui me suivent sur Twitter. Voici le résultat :

Sachant qu'indépendamment de la réponse à la question précédente la seule utilisation du terme "pandémie" va déterminer l'escalade des réponses apportées, quelle différence importante y a-t-il entre les définitions 1 et 2 ?

Vous n'êtes pas obligés de connaître la réponse à la question "qu'est-ce qu'une pandémie ?", l'OMS n'en connaît pas la définition non plus. Ce fut un sujet de controverse au moment de la "pseudo-pandémie de grippe A H1N1".

Les deux définitions que j'ai données étaient celles adoptées successivement par l'OMS. La première était mise en avant de 2003 (épidémie de SARS, syndrome de détresse respiratoire aigüe) jusqu'au 4 mai 2009, 1 mois avant la déclaration de la pandémie de grippe A H1N1.

Comme l'explique Peter Doshi, professeur assistant en pharmacie à l'université John Hopkins et contributeur Cochrane, en faisant cela, l'OMS a décidé d'ignorer le critère de gravité d'une épidémie et a rendu possible la déclaration de la phase 6 de la pandémie (plus de détails).

Cette déclaration de la phase 6 avait alors des implications concrètes, économiques et sanitaires, puisqu'elle déclenchait automatiquement les contrats passés avec plusieurs Etats pour l'achat de centaines de millions de doses de vaccins (plus de détails).

Dans la deuxième définition, la notion de gravité a donc disparu. Cette décision aurait été prise par des experts désirant conserver l'anonymat. Mais il reste deux notions importantes, celle de "nouveau virus" et celle d'"absence d'immunité".

Or, l'OMS a aussi changé la définition de ce qu'est un nouveau virus, la rendant moins restrictive : tout nouveau virus réassorti peut être considéré comme un nouveau virus.

Quant à l'affirmation que l'être humain n'a pas d'immunité contre un nouveau virus, elle est fausse exprimée telle quel et laisse à penser que l'organisme serait totalement sans défense face à un nouveau virus et que celui-ci pourrait se répliquer librement jusqu'à tuer son hôte.

Or, il existe une immunité dite à médiation cellulaire qui permet à l'organisme d'éliminer les cellules infectées par un virus. Contrairement à l'immunité humorale médiée par les anticorps, elle ne nécessite pas de contact préalable avec le virus (plus de détails).

Cette immunité à médiation cellulaire serait, d'après diverses études, particulièrement efficace pour éliminer l'infection due au virus SARS-CoV, auquel le virus SARS-Cov-2 est apparenté, chez les individus sains (une des études).

On a donc une définition très vague d'une pandémie par l'OMS, basée sur des critères uniquement virologiques peu clairs et non assumés, et en revanche, une progression des phases pandémiques basée sur des critères uniquement géographiques et quantitatifs.

Cette définition est complétée par des plans d'intervention nationaux qui adoptent les mêmes types de critères de propagation du virus et y opposent des réponses automatiques (plus de détails).

Ni l'OMS, ni les Etats, n'ont prévu d'établir des indicateurs ou des stratégies qui permettent d'évaluer la gravité d'une épidémie (en particulier d'une épidémie due à des virus respiratoires) et sa place parmi les autres nombreuses infections respiratoires existantes.

Un article récent publié dans Nature par le groupe spécialisé dans les coronavirus du comité international de taxonomie des virus établit que :

  • le virus actuel SARS-CoV-2 est phylogénétiquement éloigné du SARS-CoV de 2003,
  • la maladie "Covid-19", dissociée du virus par l'OMS, a des chances de ne pas être due au virus, en raison des erreurs de classification et des limites des tests.

Ainsi, fonder des alertes pandémiques et des mobilisations massives de moyens sur des critères de taxonomie virale et de diffusion géographique s'avère hautement aventureux.

Il faudrait également s'interroger de manière plus globale et établir des indicateurs qui permettent d'évaluer la place, en termes de diffusion et de sévérité de l'infection, des éventuels nouveaux virus parmi les centaines de virus respiratoires qui circulent couramment chez l'Homme.

J'aurais peut-être dû préciser que, contrairement à ce qu'on entend dans les medias, le Covid-19 est une maladie non spécifique, puisqu'elle partage les caractéristiques de toutes les maladies respiratoires attribuées au SARS-CoV-2, qui est un nouveau virus. Parler de "Covid-19" n'a un peu de sens que si on peut associer les symptômes à la présence du SARS-CoV-2, ce qui s'avère compliqué pour des raisons techniques de choix de tests et de proximité génomique des virus.

Les virus en orange sont des coronavirus circulant couramment chez l'Homme, il y en a 4, considérés comme bénins HCoV-OC43, HCoV-NL63, HCOV229E et HCoVHKU-1.

Les SARS sont dérivés d'une branche qui a son origine dans les virus circulants chez l'Homme, HCoV229E et HCoVNL63, comme on le voit sur ce schéma (virus humains en orange, zoonoses en rouge)

La sensibilité est faible pour les tests couramment utilisés, c'est-à-dire qu'on peut considérer comme négatif un échantillon qu'un autre test verra comme positif, avec des différences importantes (plus de détails).

Mais il y a aussi des confusions possibles entre virus proches :

Ce qui est bien établi, c'est, en début de circulation d'un nouveau virus, une tendance à la surestimation des cas graves car le système de santé est surtout capable de "voir" ces cas qui convergent vers les hôpitaux et cliniques.

Ce fait est illustré par le concept de l'iceberg, présenté par Last dans les années 60. Lorsque l'épidémiologie se présente comme celle de la totalité des virus respiratoires circulant couramment chez l'Homme, le système de santé "voit" "surtout la pointe de l'iceberg.

Lipsitch, épidémiologiste à Harvard, qui a contribué à évaluer la pandémie de grippe A H1N1 2009, explique les biais courants, le plus important étant le biais de sélection des patients graves, favorisé par le système de santé et les recommandations (plus de détails).

Pour ne pas mobiliser inutilement les ressources du système de santé, paralyser l'économie et paniquer les populations, l'objectif le plus urgent devrait être de différencier ces deux types de pyramide, celle avec une forte létalité (pyramide inversée de gauche) et celle avec une faible létalité (pyramide de droite).

Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'épidémiologie de tous les virus respiratoires humains (environ 200 et une dizaine de familles de virus) peut être représentée sous forme de pyramide, car ils peuvent tous entraîner des hospitalisations ou des décès.

La part des hospitalisations provoquée indifféremment par l'un ou l'autre virus respiratoire dépend de facteurs de fragilité individuelle, comme le montre cette étude faite aux urgences en Ontario, où les patients avec des bronchites chroniques sont bien plus souvent hospitalisés.

C'est ce que montre aussi cette étude, effectuée pendant la pandémie de grippe A H1N1 en 2009 : la majorité des patients hospitalisés dans un hôpital de Chicago étaient positifs pour le rhinovirus (considéré comme le virus du rhume) :

Si on "voit" mieux les hospitalisations et décès dus à la grippe, c'est parce qu'on se focalise sur ce virus.

De la même manière actuellement nous sommes très focalisés sur la maladie appelée COVID19, pourtant très mal définie et très difficile à caractériser, ce qui donne l'impression qu'elle est très menaçante.

Il y a encore un point qui doit amener à se défier des illusions d’optique, en plus des biais de sélection et de focalisation de l'attention, c'est la manière dont sont attribuées les causes de décès.

Tous les pays sont tenus de tenir des registres des causes de décès, et pour cela on doit définir une cause unique de décès. En réalité, il s'agit d'une convention destinée à faciliter les analyses épidémiologiques, et sauf cas extrême, nous mourons d'un ensemble de causes. Un virus peut être retrouvé au moment du décès sans qu'il puisse être retenu comme la cause initiale du décès (plus de détails).

Bien entendu, on attribuera d'autant plus facilement le décès à un virus qu'on le recherchera activement, sinon il pourra passer totalement inaperçu. Cela génère un biais supplémentaire.

Il y a donc beaucoup de biais, dont certains sont générés par le système de santé, comme ne dépister que les cas graves, qui tendent à donner l'illusion d'une crise sanitaire grave. Le seuil de tolérance vis-à-vis de symptômes respiratoires banals est abaissé et pèse sur le système de santé.

Le rôle du scientifique est de se défaire des illusions d'optique : pour cela, il faut situer les évènements en contexte, contexte historique et aussi contexte ordinaire, c'est-à-dire avoir une idée de la normalité pour pouvoir évaluer les risques. Or la normalité n'est pas vendeuse, d'autant moins que la recherche est de plus en plus orientée vers de la recherche appliquée et s'éloigne des sciences fondamentales.

La plupart des études portant sur l'épidémiologie et les symptômes des patients porteurs de virus respiratoires ont lieu à l'hôpital ou ne s'intéressent qu'aux patients symptomatiques.

Voici au moins une étude intéressante où on a demandé à des personnes tout venant, trouvés dans une attraction touristique de New York, leurs antécédants, leurs symptômes, et auxquels on a fait un prélèvement pour rechercher des virus respiratoires multiples :

  • Parmi les adultes testés, environ 1/15 étaient porteurs de virus respiratoires, 50% de plus en hiver qu'en été, avec une prédominance des rhinovirus (3% de l'ensemble) et des coronavirus (2,3% de l'ensemble).
  • 65% à 97% de ces patients pouvaient être considérés comme asymptomatiques en miroir des différentes définitions des cas symptomatiques retenues.
  • Le portage asymptomatique de virus respiratoires est encore beaucoup plus fréquent chez les enfants, jusqu'à 40% dont 12% excèteraient des virus sans avoir de symptômes.

D'autre part, des adultes ayant deux à trois épisodes d'infections respiratoires par an, on peut évaluer qu'à tout instant t, 2 à 3% de cette population (1 à 2 millions de personnes) a des symptômes respiratoires. Autrement dit, il y a matière pour continuer à alimenter la peur, même si celle-ci était totalement injustifiée.

On peut donc fabriquer une pandémie, et se donner raison en faisant en sorte d'auto-alimenter ses craintes. Je trouve que c'est un processus typiquement scientiste : l'illusion de la menace conjurée par l'illusion de la maîtrise.

Pour avoir une vision un peu plus réaliste, il faut, d'une part, observer le réel : les chiffres provenant de Chine sont rassurants et je pense que c'est très présomptueux de les attribuer aux mesures barrières.

L'idée serait plutôt :

  • d'évaluer la part réelle approchée du SARS-CoV-2 dans les infections respiratoires vues en cabinet (on dispose pour ça d'un réseau Sentinelle),
  • et d'évaluer la part des infections asymptomatiques, indicateur de bénignité de l'infection.

Il s'agit donc de rendre visible la base de l'iceberg, afin de ne pas se concentrer uniquement sur les cas graves.


Claudina Michal-Teitelbaum

Médecin. "Learning well is better than learning a lot."