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Les seins dans l'art


Publié
May 3, 2020



Bonjour à tous !

Quand j'étais ado, il y avait quelque chose qui me surprenait souvent dans les séries étasuniennes, c'est que s'il y avait une scène de sexe, pour une raison incompréhensible, la nana gardait son soutif. J'ai par la suite appris que la télé étasunienne n'appréciait pas les tétons féminins...

Plus tard, c'est sur les réseaux sociaux que j'ai à nouveau entendu parler du sacrilège visuel que représentent les tétons féminins. Des oeuvres d'art se retrouvent censurées sur Facebook. Twitter s'offusque de la moindre dame topless et ne parlons même pas de YouTube qui démonétise à tour de bras pour le moindre bout de sein qui dépasse :

Je ne vais pas m'attarder sur le fond du problème, même si j'ai un petit peu de mal à comprendre ce qu'il y a de si choquant avec le téton féminin qui n'existe pas avec le téton masculin. Plutôt, j'aimerais aller du côté de l'art parce que si vous voulez mater des seins, il y a encore mieux que HBO, il y a l'histoire des arts.

La moindre promenade dans un musée devrait suffire à vous rendre compte à quel point ils sont omniprésents dans les beaux-arts.

Je vous propose donc un petit retour sur quelques-uns des seins les plus fameux de l'histoire des arts, afin qu'on voit comment les artistes choisissent de les représenter.

La vénus de Willendorf

Pour commencer par le commencement, ça me semblait plutôt logique de choisir la plus vieille représentation de femmes de l'histoire des arts, la Vénus de Willendorf.

Il y a de quoi être envoûté par les courbes de cette dame. Cette statuette est vieille de 25 millénaires, mais ce n'est qu'en 1908 qu'elle a été découverte dans le village de Willendorf, en Autriche.

Ses atouts voluptueux, et notamment ses seins monumentaux, font d'elle un sex-symbol tel, qu'on décide de la baptiser Vénus du nom de la déesse de l'amour qu'elle ne représente certainement pas en fait.

Avec ce ventre et ces hanches sur-développées, sans parler de ses seins qu'on ne peut pas s'empêcher de reluquer, elle est bien loin des canons de la beauté actuelle. Mais à l'époque de sa création, les historiens estiment qu'elle devait incarner le summum de la féminité.

A l'heure où même si tu fais un bonnet F, tu dois avoir des seins qui défient la loi de la gravité, je trouve qu'elle offre une vision plutôt rafraîchissante de la poitrine féminine qui s'exhibe ainsi, totalement décomplexée.

Le sein d'Agnès Sorel

Un autre sein complètement décomplexé, c'est celui d'Agnès Sorel qui nous fait voyager à la renaissance.

Il a été peint par Jean Fouquet, THE artiste de son temps, celui qui est parvenu à réconcilier peinture flamande et peinture italienne.

Avec sa Vierge et l'enfant entourés d'anges, il reprend un thème très répandu de la peinture religieuse : la virgo lactans ou la vierge allaitant pour ceux qui ne seraient pas bilingues en latin... Ce thème existe depuis le 2e siècle :

Ce motif, qui sera longtemps l'un des seuls moyens de représenter le sein féminin, est devenu plutôt ringard jusqu'à ce que la renaissance le remette au goût du jour.

Mais ce qui a rendu cette œuvre célèbre, ce n'est pas son ingénieuse composition, ni ses superbes couleurs, ni même les prouesses techniques développées par son auteur, mais c'est l'histoire qui se cache derrière elle.

En effet, Jean Fouquet n'a pas choisi n'importe quel modèle pour incarner la Vierge. Il choisit Agnès Sorel, la favorite du roi Charles VII et la première maîtresse officielle de l'histoire de France.

Elle s'est faite connaître de son temps, non pas pour sa piété, mais pour l'extravagance de ses tenues et son goût de la provoc'. C'est elle qui lance la mode des robes plongeantes sur le devant et qui fait naître le décolleté. Et du décolleté sérieux ! Les commentateurs de l'époque révèlent que les tétons de la dame étaient souvent visibles.

En revanche, en même temps qu'Agnès Sorel cultive son sens du style, elle cultive aussi quelques ennemis, puisque c'est avant l'âge de 30 ans qu'elle meure empoisonnée par, apparemment, le fils de Charles.

Maintenant qu'on en sait plus sur Agnès Sorel. Revenons en à son sein.

Même si j'ai dit qu'il s'agit d'une virgo lactans, il semblerait bien que cette vierge ne le soit absolument pas. Au contraire, elle exhibe fièrement ce sein aux proportions surprenantes, complètement impossible dans une perspective réaliste, à moins de cacher un soutif push up ou une petite injection de silicone.

Ce sein joue un rôle symbolique en étant placé pile entre le paradis et l'enfer :

Je pense ne pas avoir besoin de développer sur le symbolisme.

Le sein joue aussi un rôle esthétique, puisqu'il permet de donner le ton à la composition générale, faite de sphères très nombreuses et de lignes verticalement dressées :

De là à dire que c'est suggestif, il n'y a qu'un pas.

2 femmes nues dans leur bain

Si vous voulez du suggestif, j'ai ce qu'il faut : 2 femmes nues dans leur bain qui fixent le spectateur droit dans les yeux, tandis que l'une pince le téton de l'autre, le tout dans le premier portrait topless d'une aristocrate, une oeuvre en trompe l'oeil non signée dont l'auteur anonyme aimerait sans doute savoir à quel point sa toile a fait parler d'elle.

La scène pourrait faire référence au thème classique du chaste bain de Diane (ci-dessous) sauf que les 2 dames jouissent d'une réputation tellement sulfureuse que toute notion de chasteté a disparu.

Il s'agit de Gabrielle d'Estrées, la blonde à la choucroute, et de l'une de ses sœurs, Julienne, duchesse de Villars, toutes deux surnommées « les 7 péchés capitaux » par leur père.

Henri IV était tombé sous le charme de Grabielle. Mais même si celle-ci ne le trouvait pas à son goût, elle ne pouvait cracher sur l'occasion de devenir reine.

Par contre, petit problème, le roi était déjà marié et, en plus de ça, les caisses de l'état étaient vides. Henri avait donc intérêt à épouser une dame fortunée, genre Marie de Médicis. Ainsi, il divorça de son épouse tout en faisant miroiter à Gabrielle que c'est elle qu'il épouserait, afin de la garder dans son plumard. Quel homme charmant !

Son petit manège dure 8 ans, jusqu'au décès de sa très impopulaire favorite, qui meure sans jamais avoir été reine...

— Et ce sein dans l'histoire ?

Eh bien, si Juliette pince ainsi le téton de sa sœur, ce n'est pas que par jeux érotiques, c'est aussi pour signifier sa grossesse et l'arrivée de l'héritier du roi. Mais si ! Regardez dans le fond du tableau, on confectionne déjà les langes.

Pendant ce temps-là, Gabrielle, elle, tend l'alliance qu'elle espère bien passer au doigt d'Henri :

L'enjeu est on ne peut plus sexuel, comme nous le rappellent les formes explicites créées par les doigts des jeunes femmes et surtout par la présence d'un tableau dans le fond qui montre un sexe dissimulé par un linge rouge :

Mais ce qui choque, c'est que ces dames font tout ça en regardant le spectateur dans les yeux, un truc inventé par le Titien et qui n'aura de cesse d'être récupéré par les artistes, surtout lorsque leurs œuvres cachent des messages érotiques.

Le sein de Marianne

Donc quoi ? Même dans l'histoire des arts, le sein féminin, c'est forcément un objet sexuel ? Que nenni nous répond monsieur Delacroix en faisant d'un sein un acte politique, voire polémique.

Mais avant de nous attarder sur ce sein qui fait tant polémique, attardons-nous un petit peu sur ce célébrissime tableau.

On y voit une femme, par delà une barricade, brandissant tout ce que la république a aujourd'hui de symbole : bonnet phrygien porté originellement par les esclaves affranchis, drapeau tricolore révolutionnaire aujourd'hui devenu drapeau français, et puis surtout, elle, Marianne.

Autour d'elle se trouvent 3 personnages qui représentent les 3 classes sociales, qui s'unissent pour renverser la monarchie : l'ouvrier (tout à gauche), le bourgeois (à gauche de Marianne) et l'étudiant (juste à droite de Marianne).

Revenons-en à notre sein. Marianne, ce n'est pas une virgo lactens. Penser qu'elle a le sein exposé parce que c'est une mère nourrissant la France, c'est un contre-sens... Ne pensez pas non plus qu'elle est un symbole de la libération de la femme. A l'époque de Delacroix, le concept n'existait même pas.

Si Marianne a le sein nu, c'est parce que, dès sa création, elle est inspirée par des modèles antiques qui ont souvent le buste dénudé (image-ci dessous). De plus, Marianne est une figure guerrière. Or, lorsqu'elles sont guerrières, les femmes sont souvent représentées topless pour montrer qu'aucun vêtement ne les entrave dans leur mouvement.

Malgré la référence antique, sachez que La liberté guidant le peuple a fait scandale en son temps, et pas seulement à cause de ce téton fièrement exposé.

Le teint hâlé de Marianne qui ferait d'elle une femme du peuple ainsi que ses poils visibles sous l'aisselle choquèrent grandement à l'époque. Je ne sais pas ce qui est le plus triste dans le fond : que la pilosité des femmes ait déjà posé problème au 19e siècle ou que les mentalités aient si peu évolué depuis ?

Bref, Marianne n'en a pas fini de faire couler de l'encre puisque sa dernière représentation, version timbre, a encore suscité une controverse, car elle est inspirée d'Inna Shevchenko, la leader des Femen.

Le Viol

Pour trouver une œuvre qui pourrait peut-être un peu plus évoquer la condition des femmes, sans pour autant aller chercher du côté de l'art féministe, il faut un petit peu voyager dans le temps, jusqu'aux années 1930, jusqu'au surréalisme.

Je vous emmène du côté de l'ami Magritte, avec un drôle de tableau :

C'est un portrait un peu bizarre avec un cou comme un tronc d'arbre et des cheveux comme un feuillage d'automne, mais surtout, à la place du visage, des attributs sexuels féminins.

Et on se sent épié en plus, parce que ses yeux nous regardent. Avouez-le : vous n'avez pas zieuté la toison pubienne, ni même le nombril à la place du nez quand vous avez vu ce tableau. Vous avez plutôt directement maté les tétons qui font office de pupilles.

Est-ce que ce contact occulaire est sensé être érotique ? Difficile à dire parce que, Magritte, c'est un sacré petit cachotié.

Certains ont voulu donner une analyse plus psychanalytique du tableau pensant qu'il faisait référence à un épisode tromatique de la vie du peintre : sa mère s'était suicidée par noyade lorsqu'il avait 14 ans et avait été repêchée avec sa chemise de nuit rabattue sur son visage. Mais Magritte et la psychanalyse, ça fait 2.

Non, lui, il préfère bousculer les conventions, les petites habitudes, le quotidien, notre vision, notre perception, le tout à grand renfort de fantaisie, de jeu, de décalage et d'humour, pourvu que le mystère demeure.

Mystère donc quant à savoir ce que ce tableau peut bien vouloir dire. Le titre nous éclaire en fait assez peu. Le tableau s'appelle le Viol, sauf que, comme avec la pipe, il ne s'agit pas vraiment d'un viol, ou alors peut-être qu'il s'agit d'un viol visuel.

Et si Magritte avait voulu évoquer la violence que représentent les regards sexualisant les femmes ? Ces regards qui vous reluquent les nibards sans vergogne alors que vous n'avait rien demandé. Un peu comme pour dire : quand vous regardez une femme, votre regard la sexualise malgré elle. Un peu comme pour dire : les femmes n'ont pas le choix, elles portent leur sexualité, consciente ou non, assumée ou non, en plein sur leur visage. Après, pour être honnête, c'est peut-être moi qui surinterprète...

Mais ce tableau m'intrigue. Il m'intrigue parce que si je le compare à d'autres œuvre qui ont déplacé les seins, il n'est pas aussi connoté sexuellement. Je pense à la poupée de Bellmer, par exemple, ultra sexualisée avec ses seins et ses sexes un peu partout.

Je ne vois pas ça chez Magritte. Ça me donne alors envie de croire qu'il cherchait à donner à voir autre chose.



Voilà qui conclut ce petit retour en exemple sur les seins dans l'histoire des arts.

J'aurais pu parler de plein d'autres œuvres, genre les fontaines ubérales, si osées qu'elles se sont faites censurer sur Facebook.

Ou encore la poupée de Bellmer :

Ou encore l'allégorie du triomphe de l'amour :

Mais, à nouveau, le sujet est vaste. Tout ça pour dire que quand il s'agit de parler des seins dans l'art, il y a beaucoup à dire !

Si le contenu vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner pour ne pas louper les prochains. Je vous dis à bientôt pour encore plus d'art.



Texte écrit par Lucas Willems


NART l'art en 3 coups de pinceau

Apprendre à reconnaître le style de Klimt, comprendre la carrière artistique de Dalí, parler de la représentation du sexe dans l'art : ici on va faire tout ça !