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Retour sur le "déluge de la Pentecôte" 2000


Publié
August 3, 2020

Il y a 20 ans, du 9 au 14 juin 2000, une "goutte froide" (dépression d'altitude) avait entraîné le "déluge de la Pentecôte".

On peut suivre les gouttes froides grâce au géopotentiel à 500hPa, en couleur sur l'image ci-dessous, réanalyse de cette période. Un vaste talweg sur le proche Atlantique s’isole en cut-off en Méditerranée occidentale où il persiste quelques jours avant de se combler.

A l’avant de ce talweg, le 8 juin 2000 est une journée estivale, et le seuil de chaleur (Tmax > 25°C) fréquemment atteint. Comme souvent dans ce type de situation, les températures les plus élevées sont vers le Pays Basque : 32,6°C à la pointe de Socoa à St Jean de Luz.

Le 9 juin à la mi-journée, le talweg plonge sur la péninsule ibérique. A l’avant, le flux de sud (flèche rouge) s’accélère et devient de plus en plus instable avec l’arrivée d’air froid (en jaune sur le proche Atlantique) en altitude.

Les orages se multiplient, surtout sur la façade ouest du pays. La densité d'impacts est la plus forte côté espagnole, ainsi que loin à l'avant dans l'air chaud entre Franche Comté et Luxembourg. Données Météorage.

Dans ces flux de sud instables, les orages sont souvent très pluvieux à proximité des Pyrénées. Pour la journée climatologique du 8 (soit jusqu’au 9 à 8h), le seuil des 50 mm est souvent atteint sur les Pyrénées Atlantiques, avec un maximum de 118 mm à Sainte Engrâce.

Le 10 à la mi-journée, la goutte froide est centrée entre la Catalogne et les Baléares. Le plus fort dynamisme est alors en aval, où se présente une branche de jet diffluente de Sud-Sud-Est.

Les plus violents orages se produisent alors en sortie gauche de ce jet, en particulier dans la région de Lyon et en Alsace.

Sur le Beaujolais, de fortes chutes de grêle et des crues éclair sont reportées. En quelques heures, il tombe localement 130 mm. A St Germain l’Arbresle, 107 mm seront mesurés, dont 67 en 30 minutes. Un tel abat d’eau a une durée de retour centennale.

Sur le Midi Toulousain, la problématique est différente. En quadrant nord-ouest de la goutte froide, pas de risque d'orage violent en raison d'une moindre instabilité. Mais un fort contenu en eau précipitable et donc de forts cumuls possibles, surtout si stationnarité.

Apartés :

  1. Se méfier des quadrants nord-ouest de cyclogénèse, en raison de la relative stationnarité des précipitations, à l'origine de forts cumuls (pluie ou neige) : le flux en altitude y est orienté à l’est, et la dépression se déplace souvent vers l’est aussi.
  2. Exemple marquant dans le sud-ouest récemment : le 10 et 11 mai dernier, il y a eu des lames d’eau sur 48h de durée de retour centennale entre Gironde et Landes en vigilance rouge, au nord-ouest de la goutte froide passant sur les Pyrénées.

Le 10 juin 2000, les pluies sont alimentées depuis la Méditerranée et reviennent se bloquer en flux de Nord-Ouest contre les Pyrénées, où la limite pluie-neige s’abaisse vers 1600m. Les cumuls sont abondants en haute montagne où des randonneurs sont prisonniers de la neige.

Sous une pluie continue, des records de fraîcheur sont établis : maximales de seulement 9,8°C à Luchon, 13,2°C à Muret, 14,9°C à Marmande. Ces températures sont souvent de 10 à 12°C inférieures aux normales.

Les quantités de pluie sont exceptionnelles et dépassent largement les 80 mm entre Montagne Noire, Lauragais, Comminges et Haute Ariège, avec des pointes à 130/160mm.

Les cours d’eau secondaires connaissent de fortes crues. La Lèze, petit cours d’eau sous-affluent de la Garonne par l’Ariège, monte de plus de 6m en quelques heures et atteint 7m23 à Lézat à l'aval : il s’agit des plus hautes eaux connues. Données Banque HYDRO.

La Garonne à Toulouse monte jusqu'à 4m38 à l'échelle du Pont Neuf (illustration de cet article, source SPC GTL). L'île du Ramier est inondée. Il s'agit de la plus forte crue récente. Depuis, le maximum étant de 3m78 en janvier 2014 (photo perso).

Ce "déluge de la Pentecôte" entraînera de très nombreux dommages matériels et reste encore parfois gravé dans les mémoires. La goutte froide évolue ensuite entre Baléares et Sardaigne. Cette fois, ce sont les Alpes qui sont en configuration de retour d'Est.

De fortes pluies s’organisent et arrosent copieusement le Queyras dans les Hautes-Alpes. Comme souvent le gradient est très marqué : il tombe jusqu’à 240 mm à Abriès en trois jours dans le Haut Guil, 110 mm à Chateau Queyras, 50 mm à Briançon, 21 mm à Embrun.

En raison d'un hiver précédent sec et d'un printemps plutôt chaud, le manteau neigeux en place est alors quasi-inexistant, ce qui limite grandement l'ampleur des crues des torrents de montagne.

En juin 1957, un épisode similaire de "retour d'est" est à l'origine d'une véritable catastrophe en Queyras mais aussi en Haute Maurienne et Mercantour. Un événement « mémorable » sur le site Pluies extrêmes.

Les gouttes froides sont donc des phénomènes récurrents à nos latitudes, associées à un temps pouvant être très perturbé. La petite échelle du phénomène rend la prévision complexe à quelques jours d'échéance.

Pour revenir au présent, de fortes pluies sont possibles avec la goutte froide de cette semaine. La prévision des phénomènes dangereux de J+2 à J+7 est désormais accessible au grand public sur la nouvelle version de la vigilance. Exemple pour J+4 et J+5 daté d'hier (8 juin).



Ceci est l'archive de mon thread Twitter, faite par l'archiveur de threads de Share.


Gaétan Heymes

Ingénieur Météo France, prévisionniste montagne Alpes du Sud. Ancien hivernant (TA69) en Terre Adelie (Antarctique).