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L'impact de la crise du COVID sur la kinésithérapie en France


Kiné Meuh
Publié
August 31, 2020

La France compte environ 75.000 kinés libéraux, chacun voyant une vingtaine de patients par jour en moyenne. Je vous propose un état des lieux pour parler de la kinésithérapie en France et comment elle traverse cette crise historique du COVID.

Réduction des prises en charge

Le 16 mars, nous avons appliqué les recommandations de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes en fermant les cabinets et en recentrant les prises en charge sur les patients fragiles et les soins urgents, c'est-à-dire sur :

  • les personnes âgées grabataires à risque d'aggravation rapide (il faut éviter les hospitalisations) ou bien qui rentrent d'hospitalisation
  • les post opératoire frais (car il y a quelques opérations programmées qui ont été faites)
  • les patients avec des pathologies complexes nécessitant des soins quotidiens de kinésithérapie respiratoire
  • les mêmes patients mais avec risques de pertes majeures de mobilité.

Chaque prise en charge a été évaluée afin de ne réaliser que celles qui étaient strictement nécessaires. Limiter les contacts, limiter le risque de transmission de la maladie, voilà le mot d'ordre.

Des patients vus plusieurs fois par semaine sont désormais vu une à deux fois. On a reformé les aidants pour qu'ils puissent pallier à notre absence quelques semaines. On a appelé les patients pour leur proposer de faire leur séance en visio, avec l'aide de ces aidants. Et on a bien fait. Mais tiendront-ils ?

Très vite, il s'est avéré que les fameux masques promis le 16 mars étaient de la :

Heureusement, nous avions quelques stocks. Des stocks perso pour nos activités respiratoires, des stocks de H5N1, des stocks des travaux de l'été quand on a refait la cuisine.

Quand des masques ont été disponibles, on a exclu les kinés de la distribution de ceux-ci. "Soins non prioritaires". Ça va faire mal financièrement, car en tant que profession libérale, si on ne travaille pas, on ne gagne pas d'argent. Des mesures ont été prises, la plupart excluent les kinés, mais on devrait pouvoir tenir quelques semaines malgré tout.

Dans le même temps, depuis la semaine du 9 mars, les kinés se voient refuser l'accès aux EHPAD pour limiter le risque de contamination. Les directeurs flippant leur mère d'être accusés d'avoir fait rentrer l'élément contaminant ayant causé le décès de grand mamie.

Il ne fallait pas imaginer ces mêmes directeurs mettre à disposition des kinés et autres soignants un matériel de protection permettant de continuer à assurer les soins tout en réduisant le risque de contamination. La gestion des EHPAD devra sérieusement être remise en cause...

Ça fait 3 semaines que le confinement est instauré, 1 mois que les résidents d'EHPAD n'ont pas de soins. Et leur situation devient dramatique. Beaucoup sont isolés dans leur chambre. Leur état physique s'aggrave. Les bribes d'autonomie qui leur restait s'en vont...

Les directeurs d'EHPAD commencent à se rendre compte qu'ils ont fait une grosse boulette en supprimant l'accès à la rééducation. Leurs résidents vont survivre (pas tous) mais dans quel état ?!?

Certains prétendront que les kinés ont refusé de venir sur consigne de l'ordre. On a les preuves que c'est l'inverse et on les produira. Ils auront été incapables de protéger leurs résidents et auront participé à la dégradation de leur autonomie déjà précaire, pour 5000€ par mois 🤔

Maintenant parlons de tous les autres patients. Ceux qu'on voyait et qui n'étaient pas des cas graves. Ces patients ayant des tendinopathies, des entorses, des lumbagos, des opérations moins récentes, ...

On les a autonomisé au maximum avant de fermer. On les a rappelés pour faire un suivi à distance. Certains vont très bien, ont même progressé et ont su adapter leurs exercices pour continuer d'avancer. Ceux-là ne posent en général pas de problème en temps normal. Le problème, ce sont les autres.

Le problème, ce sont :

  • Ceux dont les douleurs sont importantes, avec une grosse contribution des facteurs psychosociaux, qui ont besoin d'être rassurés, accompagnés.
  • Ceux qui ont une mauvaise auto efficacité.
  • Ceux qui vont choisir entre s'occuper de leurs 2 gamins dans leur appartement de 50m², le télétravail et les exercices pour avoir moins mal à leur épaule.
  • Ceux qui, du fait du confinement, n'ont plus mal parce qu'ils ne sollicitent plus la zone douloureuse, mais qui vont reprendre avec des douleurs exacerbées parce qu'ils ne se sont pas préparés.

A tout ceux là, et tant d'autres, le gouvernement vient de refuser pendant une semaine de plus l'accès aux conseils, aux exercices, au soutien, à la réassurance, par des professionnels de santé. Au prétexte que les kinés voient des patients qui sont en bonne santé en général ? Que ce n'est pas ce qui est urgent ?

Les discussions sur la téléconsultation existent depuis 2 ans au moins. On attend que le Conseil d'État valide notre nouveau code de déontologie depuis plus d'un an. Pondez les textes, on verra après pour la rémunération !

Pendant ce temps, à l'hôpital, les kinés sont mobilisés. En réa, pour le seuvrage des respirateurs et la réhabilitation précoce des patients, mais aussi dans les autres services parce qu'il y a d'autres patients que ceux atteints du COVID.

Des conditions de travail honteuses

Les conditions de travail sont honteuses.

À Grenoble, le CHU Grenoble Alpes vient de lancer un appel aux dons : ils n'ont plus de surblouses ! Et on parle du département qui a un des taux d'occupation en réa les plus faibles de France (78% mercredi) et qui fait partie de ceux qui ont pu se préparer au mieux à la crise.

À Lyon, aux Hospices Civils de Lyon, on fait rentrer des coursier dans les services pour "filer un coup de main".

À Henri Mondor à Paris, on a vu passer le message d'un ostéopathe qui encourageait ses compagnons charlatans à postuler pour intervenir en réa et auprès des soignants.

Pendant ce temps, 20.000 kinés sont sur les listes de la réserve sanitaire, prêts à se déplacer pour prêter main forte. On ne les mobilise pas. Un confrère en poste en Alsace nous raconte qu'ils sont 3 pour 300 lits. Continuons le délire !

Des bonnes nouvelles

Maintenant passons aux bonnes nouvelles !

On arrive à se procurer du matos. Grâce aux dons d'entreprises, des particuliers. J'ai récupéré des masques donnés par un plaquiste, des surchaussures données par un chocolatier, des protections de fauteuil de voiture données par un garagiste.

Je vous épargne les tentatives grotesques de récupération par certains politiques "qui adorent les kinés" et qui proposent de donner 2500 masques à repartir dans toute la région...

Autre bonne nouvelle : même sans textes, on fait du telesoin. L'usage précède la loi. Pour la plupart, nous le faisons bénévolement, en espérant malgré tout une régularisation a posteriori, parce que la gloire ça met pas de pâtes dans la casserole.

Encore une bonne nouvelle : à l'hôpital les équipes se serrent les coudes. Je plains les cadres qui ont envoyé leurs troupes au casse pipe : quand ça sera fini, ça va être votre fête.

Enfin, depuis 2 semaines, on ne voit plus de caffouillages ou de chamailleries entre l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes, FFMKR, SNMKR et Alizé. On a l'impression que la profession parle d'une seule voix, et ça fait plaisir. Pourvu que ça dure !

C'est la fin de ce point d'actu sur la kinésithérapie. Espérons que ça bouge la semaine prochaine. D'ici là, prenez soin de vous !



Ceci est l'archive de mon thread Twitter, faite par l'archiveur de threads de Share.


Kiné Meuh

Kiné à gros sabots pointus ! French physiotherapist Msc.