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Bonjour et bienvenue dans SOCA, l'émission qui parle de livres qui parlent de sciences humaines.
Nous allons revenir, au fil des émissions, sur les philosophes et les concepts qui ont marqué notre compréhension de la société et des individus. Bien sûr, en posant mon regard sur ces philosophes et ces concepts, il est possible que je me trompe. Si c'est le cas, n'hésitez pas à me le signaler.
Pour ce 2nd épisode, on va s'attaquer à une idée forte, passionnante et, vous allez voir, actuelle : l'idée du panoptique par Michel Foucault.
Michel Foucault (1926-1984) naît dans une famille de notables à Poitiers. Il est un élève brillant, mais aussi dissipé, ce qui lui fait friser avec le redoublement plusieurs fois.
Après un départ vers Paris et un court passage au lycée Henri IV en 1946, il finit par intégrer l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm.
À ce moment-là, il a de bons résultats, mais de gros problèmes avec ses camarades, qui le jugent mégalomane. Il se fait détester de toute sa promotion. Ce mal-être, ainsi que son homosexualité qu'il a du mal à gérer, l'amène à une première tentative de suicide en 1948.
Un chroniqueur de l'émission Apostrophe du 15 septembre 1989 rapporte :
« Il était vraiment épouvantablement difficile de vivre son homosexualité dans ces années-là. Et Foucault a vécu ça dans la honte, dans la faute, dans le drame. »
Foucault arrive cependant à se remettre au travail. Il passe son agrégation de philosophie en 1950, mais échoue, ce qui l'amène à une seconde tentative de suicide. En 1951, il parvient à obtenir l'aggrégation de philosophie.
Il devient alors professeur de psychologie à l'Ecole normale supérieure et enchaîne les expériences universitaires et les expériences de vie, l'amenant à écrire 2 œuvres majeures :
Puis arrive mai 68 et l'heure de la contestation. A ce moment là, Michel Foucault va intégrer l'université expérimentale de Vincennes.
Cette université est assez particulière puisqu'elle fait sauter les hiérarchies. Les profs sont à équité avec les élèves. La parole est libre. Le bac n'est même pas nécessaire pour y aller.
Cette nouvelle façon de concevoir l'enseignement plaît à Michel Foucault, qui a un regard très critique sur l'enseignement et le savoir dans nos sociétés. Voici ce que Foucault en dit :
« La première chose qu'on devrait apprendre, c'est que le savoir est profondément lié au plaisir, qu'il y a une façon d'érotiser le savoir, de rendre le savoir hautement, hautement agréable. Et ça, que l'enseignement ne soit pas capable de le révéler, que l'enseignement ait presque pour fonction de montrer combien le savoir est déplaisant, triste, gris, peu érotique, je trouve que c'est un tour de force. Mais ce tour de force a certainement sa raison d'être. Il faudrait savoir pourquoi est-ce que notre société a tellement d'intérêts à montrer que le savoir est triste. Peut-être à cause du nombre de gens qui sont exclus de ce savoir. »
Pour Michel Foucault, faire partie de cette université a été très important et très marquant. C'est aussi ce qui va l'amener à s'engager de façon politique et associative. C'est à ce moment-là qu'il forme, avec plusieurs amis, le Groupe d'Information sur les Prisons (GIP).
Ce groupe met en exergue les abus et potentiellement les dysfonctionnements du monde carcéral.
A ce moment-là, Michel Foucault va mener une réflexion sur les concepts de la surveillance et de la punition dans la société française, et va reprendre l'idée du panoptique.
Le panoptique est un modèle d'architecture carcérale, inventé par Jérémy Bentham, philosophe britannique du 18e siècle.
Ce modèle d'architecture se base sur un concept simple : placer un mirador au milieu de la prison et construire toute la prison en cercle autour, pour que les gardes, placés dans le mirador, puissent voir tous les prisonniers et toutes les cellules en même temps.
Avec une telle architecture, les prisonniers ne savent pas à quel moment ils sont épiés et ont donc l'impression d'être épiés en permanence. Il n'est donc pas nécessaire qu'il y ait un gardient tout le temps. Il suffit que les prisonniers aient le sentiment qu'ils peuvent être surveillés.
Selon Bentham, c'est un bon moyen de garder les prisonniers tranquilles et de les obliger à suivre les règles en permanence.
Foucault reprend ce modèle d'architecture et cette idée de panoptique pour exprimer la surveillance dans notre société.
Il fait remarquer que, dans notre société, il n'est pas nécessaire qu'il y ait un policier à chaque rue pour que l'on respecte les règles. Il suffit qu'il soit possible qu'il y ait un policier ou qu'il soit possible que les autres nous surveillent.
Autrement dit, il dit que chacun est un mirador qui surveille tous les individus et les contraint à se comporter selon les normes ancrées en lui. C'est la panoptique de Foucault.
Selon Foucault, notre société est une société disciplinaire où chaque individu soumet ses normes aux autres par le regard qu'il porte sur eux, mais où chaque individu est aussi soumis aux normes des autres.
Aujourd'hui, le concept de panoptique de Foucault est particulièrement pertinent, parce qu'un nouvel élément est arrivé : internet.
Sur internet, ce panoptique, cette vision panoramique des individus, est exacerbé, dans la mesure où, par exemple, Netflix connaît nos consommations audiovisuelles, Google nos recherches et nos mails, Amazon nos achats, etc...
Il ne faut pas tomber dans la paranoïa : ce ne sont pas des individus isolés derrière leurs ordinateurs qui épient nos moindres faits et gestes, mais des algorithmes qui, à partir de nos actions, essaient de dégager des schémas. Ces schémas vont permettre d'asseoir la position d'Amazon, de Google ou de Netflix sur certains pans de notre fonctionnement social.
Il est également à noter que la surveillance panoptique à l'ère du numérique tend également à dépasser juste nos comportements derrière l'écran.
Par exemple, sur Uber, le chauffeur note les passagers et les passagers notent le chauffeur. Il y a donc une surveillance croisée, exprimée par une note, et par conséquent, par un algorithme. De plus, les notes sont données avec nos normes, c'est-à-dire, selon notre définition propre de ce qu'être courtois ou ponctuel.
Voilà pourquoi le numérique nous amène à être encore plus vigilant sur la surveillance qu'on exerce et sur les différents schémas que nous imposent le numérique.
Pour se prémunir de cette surveillance et ne pas faire peser sur les autres les normes qu'on a intériorisé, il me semble qu'il y a 2 mouvements à faire.
Le premier mouvement : effectuer un regard critique sur nos normes, c'est-à-dire se demander quelles sont telles, d'où viennent-elles et en quoi sont-elles légitimes.
Le deuxième mouvement : essayer de garder une distance avec le numérique, et les informations que l'on va relayer sur nous, sur ce que nous sommes en tant qu'individus.
Pour finir, j'aimerais vous diriger vers une série et vers une lecture.
Pour la série, il s'agit de Black Mirror, une série dystopique qui imagine ce que deviendrait notre société si nous poussions à leur paroxysme certaines pratiques numériques. Notamment, le premier épisode de la saison 3 étend la notation d'Uber à tous les aspect de notre vie, et nous montre la situation à laquelle ça pourrait nous mener, situation assez effrayante.
En second lieu, j'aimerais vous conseiller la lecture d'un article d'Olivier Aïm, intitulé Une télévision sous surveillance — Les enjeux du panoptisme dans les dispositifs de la téléréalité. Cet article montre que la téléréalité est une forme particulière de panoptisme et que le numérique pourrait nous amener à considérer cette surveillance comme légitime et naturelle.
Voilà ! Cet épisode est fini. J'espère qu'il vous a plu et qu'il vous a éclairé sur l'idée du panoptique.
Je vous souhaite une superbe journée, soirée, nuit, tout ce que vous voulez, et je vous dis à très bientôt. Salut !
Vidéo par Valentin Chapelain, synthèse textuelle par Lucas Willems
SOCA ø
Émission qui traite de concepts clés qui ont jalonnés l'histoire de la sociologie, de la philosophie, de l'anthropologie.