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Électricité verte selon Greenpeace: l'écologie dogmatique


Publié
May 3, 2020



Bonjour à tous !

Aujourd'hui, on va s'intéresser au discours de Greenpeace et en particulier à un classement "électricité verte" qui m'a bien agacé.

Là, vous devez vous dire que je suis fou : pas grand monde ne se préoccupe de l'environnement, alors pourquoi se tirer dans les pattes entre nous ?

Parce que je pense que nous ne progresserons pas sur les problèmes environnementaux si nous ne produisons pas un discours factuel. Les discours mensongers ou approximatifs discréditent les mouvements environnementaux et limitent l'adhésion à ses causes.

Je vais développer tout cela dans cet article.

Greenpeace

Greenpeace est une organisation non-gouvernementale de protection de l'environnement que vous connaissez très certainement. Elle a été fondée en 1971 pour s'opposer aux essais nucléaires aux États-Unis et est maintenant présente dans 55 pays.

Greenpeace se fixe aujourd'hui de nombreuses missions comme la protection des forêts et des océans. Une de ses dernières campagnes a pour but de préserver le récif de l'amazone, menacé par des projets d'exploration pétrolière. Greenpeace veut également promouvoir une lutte efficace contre le changement climatique, combat qui me tient à coeur.

Mais Greenpeace s'est également donné comme mission la lutte contre le nucléaire civil. En France, l'association s'est illustrée sur ce dernier point, par exemple, en pénétrant dans une centrale nucléaire pour montrer sa vulnérabilité.

L'électricité verte

Fin septembre, Greenpeace a présenté son classement de l' "électricité verte".

Déjà, la formulation est embêtante. Tous les moyens d'extraire de l'énergie de l'environnement sont polluants, donc non verts. Ici, l' "électricité verte" désigne l'électricité produite à partir d'une source d'énergie renouvelable, mais il ne faut pas pour autant croire que cette électricité est sans impact.

Je rappelle que la meilleure façon de lutter contre les problèmes environnementaux reste d'utiliser moins d'énergie, et donc moins d'électricité.

La vraie question est la suivante : l'utilisation de l' "électricité verte" telle que définie par Greenpeace réduit-elle l'impact écologique ?

Le classement de l'électricité verte

Voici le classement donné par Greenpeace avec la notation des moyens de production électrique sur laquelle repose le classement (source du classement) :

Greenpeace utilise 2 critères ("émissions de CO2" et "externalités environnementales") pour juger le caractère plus ou moins vert d'une technologie et donner une note sur 5 (5, 2,5, 1,5 ou 0).

Les problèmes de ce classement

Ce classement a plusieurs problèmes que je vais détailler.

Aucune source scientifique

Premier problème : il n'y a absolument aucune source scientifique, ce que je trouve extrêmement dommage.

Il y a de nombreuses études sur ces questions et on peut espérer que les personnes qui ont fait cette méthodologie s'y soient intéressées. Si c'est le cas, pourquoi ne pas les mettre ? Si ce n'est pas le cas, ce tableau est juste l'opinion subjective d'une poignée d'individus et a donc un intérêt limité.

Notation des externalités environnementales non justifiée

La colonne "externalités environnementales" regroupe tous les impacts environnementaux non climatiques (les impacts sur la santé humaine, sur la biodiversité et sur l'épuisement des ressources). Tous ces impacts sont très différents, difficilement aggrégeables, et Greenpeace ne donne aucune précision sur la façon dont elle produit cette évaluation.

Ce manque d'information invite à la méfiance.

Mauvaise notation des émissions de CO2

Intéressons-nous plutôt à la catégorie "émissions de CO2".

Vu qu'on sait ce qu'il y a dedans, on peut pousser l'analyse un peu plus loin. On va utiliser le GIEC comme référence, ce qui devrait faire consensus parmi les gens préoccupés par la question climatique.

En 2014, le GIEC a publié des estimations des émissions de CO2 par kilowattheure pour les différentes technologies de production d'électricité, en s'appuyant sur l'importante littérature scientifique sur le sujet.

C'est ce document qui est par exemple derrière les quantifications de l'excellent site ElectricityMap où vous pouvez voir les émissions de CO2 par kilowattheure de nombreux pays en temps réel :

Si on récupère les chiffres et qu'on compare avec les estimations de Greenpeace, on voit qu'on a un petit souci avec le nucléaire. D'après le GIEC, le nucléaire émet moins de CO2 que le photovoltaïque ou le solaire à concentration (source), alors que le petit tableau produit par Greenpeace affirme l'inverse :

D'ailleurs, on peut entendre régulièrement que ces évaluations ne prendraient pas en compte l'extraction de l'uranium ou la construction des centrales. C'est faux. Les émissions de CO2 sont évaluées en prenant en compte tout le cycle de vie : le fonctionnement des centrales ainsi que leur construction et leur démantèlement, le minage de l'uranium et son enrichissement, la gestion des déchets, etc...

En attribuant une mauvaise note au nucléaire, Greenpeace va tout simplement à l'encontre des études scientifiques, à l'encontre des faits accessibles à tous sur le sujet.

Les explications de Greenpeace

Le problème avec des manipulations un peu grossières comme celle-là, c'est qu'on peut se faire griller.

Greenpeace a donc dû expliquer leurs choix. On peut trouver les justifications données par le responsable énergie et climat de Greenpeace, Cyrille Cormier, dans un article de Libération :

« Nous avons voulu marquer le fait que, en raison des défaillances du parc nucléaire existant en France et en Belgique, les centrales sont de plus en plus souvent arrêtées, et pour compenser, les exploitants font appel à des énergies très carbonées. »

Il explique donc qu'une mauvaise note a été attribuée au nucléaire parce que, lorsque le nucléaire ne fonctionne pas, il faut faire appel à une électricité plus carbonée. Pour Greenpeace, c'est l'intermittence du parc nucléaire qui justifierait la mauvaise note du nucléaire.

Toutefois, la variabilité du parc nucléaire est très exagérée.

Pour en juger, il nous faut étudier le facteur de charge des différentes productions d'électricité. Le facteur de charge d'un moyen de production est le rapport entre l'énergie électrique effectivement produite sur une période donnée et l'énergie qu'elle aurait produite s'il avait fonctionné à pleine puissance durant la même période.

Le facteur de charge du nucléaire français est autour de 75%, lorsque les éoliennes terrestres ont un facteur de charge entre 20% et 25% et le solaire entre 10% et 15%.

Il n'est donc pas possible d'attaquer le nucléaire sur son intermittence et son remplacement par une électricité plus carbonée, puisque l'éolien terrestre ou le solaire sont beaucoup plus intermittents et donc beaucoup plus souvent remplacés par une électricité plus carbonée.

De plus, la majorité des pauses, comme celles pour recharger le réacteur en combustible, sont parfaitement planifiées, alors qu'on ne choisit pas quand le soleil n'est pas visible ou quand le vent tombe.

Cet argument de l'intermittence du nucléaire n'est donc vraiment pas terrible puisque Greenpeace pénalise le nucléaire pour son intermittence mais ne pénalise pas l'éolien terrestre ou le solaire bien que leur intermittence soit encore plus grande !

Greenpeace ayant été construit contre le nucléaire, ils sont manifestement prêts à distordre les faits s'ils vont à l'encontre de leur idéologie.

Le nucléaire, énergie peu carbonée

La France a une des électricités les moins carbonées d'Europe parce que le nucléaire continue de fournir une grande part de l'électricité française. Les quantifications à notre disposition montrent que le nucléaire émet moins de CO2 que certaines énergies vertes notées 5 par Greenpeace.

Remplacer le nucléaire par des énergies renouvelables ne permet pas de diminuer nos émissions de CO2 et aurait même tendance à les augmenter légèrement.

De plus, en mettant une note de 2,5 au gaz (alternative courante du nucléaire) contre 0 au nucléaire, Greenpeace choisit de produire davantage de CO2 et d'empirer le changement climatique par crainte des impacts non climatiques du nucléaire. Ce choix, à mon avis, mérite discussion.

Le nucléaire, énergie fiable

Le nucléaire est aussi beaucoup plus fiable que le solaire et l'éolien. Cet aspect est complètement passé sous silence par ce genre d'analyse.

Lorsque le soleil est caché ou que le vent tombe, il faut bien continuer à être capable de produire de l'électricité. Autrement dit, les fournisseurs d'électricité verte ne peuvent le faire que parce que d'autres fournisseurs sont capables de produire quand le renouvelable ne produit pas.

Cela a 2 implications :

  • Tout le monde ne peut pas se fournir en "électricité verte". Aujourd'hui, sans hydroélectricité ou voisins qui en ont, il est très difficile pour un pays d'avoir ne serait-ce que 50% d'électricité renouvelable.
  • Vous ne pouvez pas choisir quel type d'énergie vous consommez, mais seulement quel type d'énergie vous produisez (ce qui est déjà bien !). Autrement dit, si vous souscrivez à une offre 100% renouvelable, votre producteur s'engage à produire autant d'électricité renouvelable que vous en consommez, mais vous continuez à consommer l'électricité disponible sur le réseau.

Le nucléaire, pas seulement des avantages

Attention : je ne défends pas le nucléaire à tout prix.

Quand j'analyserai, dans un prochain article, ce moyen de production d'électricité, on verra que comme tous les autres moyens de production, le nucléaire a des avantages et des défauts.

Il pourrait y avoir d'autres raisons de rejeter le nucléaire, notamment les déchets (une des raisons pour laquelle Greenpeace lui a donné la note de 0).

Une volonté de désinformer

Ce qui est sûr, c'est que le changement climatique n'est pas une raison qu'on peut opposer au nucléaire, au contraire. D'ailleurs, si les déchets sont la raison du 0, pourquoi avoir désinformé sur les émissions de CO2 si la note avait déjà été choisie ?

Si j'ai pu lire des articles scientifiques et faire des analyses complexes sur des sujets environnementaux avec le soutien financier de ma petite communauté (grâce à Tipeee), Greenpeace France, qui reçoit 20 millions d'euros de dons par an et a plusieurs dizaines d'emplois, aurait pu aussi produire un discours factuel.

C'est simple : je pense que nous avons affaire ici à de la désinformation pour des raisons idéologiques.

Une décrédibilisation de Greenpeace

C'est dommage pour Greenpeace puisqu'un tel discours les décrédibilise. Une ONG qui produit ce type de document ne peut que descendre dans mon estime. Je n'ai aucune envie de donner de l'argent à une organisation qui se moque visiblement de moi.

Pourtant, Greenpeace peut produire de bonnes campagnes contre les énergies fossiles ou pour la protection de la biodiversité. Je ne comprends pas pourquoi ils fragilisent leurs autres actions en adoptant une posture aussi dogmatique sur le nucléaire.

Ce qui m'a poussé à faire cet article

Sur Twitter, j'avais déjà parlé de tout cela. Ce qui m'a convaincu de faire cet article, ce sont les initiatives Il est encore temps et On est prêt. Ce sont de chouettes initiatives pour mobiliser sur la question climatique avec plein de vidéastes forts sympathiques.

IlEstEncoreTemps.fr propose plein d'actions que l'on peut faire pour lutter contre le changement climatique. Parmi ces actions, il y a vraiment de tout : du bon comme du mauvais. Parmi le mauvais, on retrouve justement le classement "électricité verte" de Greenpeace avec une exhortation à changer de fournisseur d'électricité :

Quand on regarde le "A propos" du site, on tombe sur un Google Drive qui nous explique notamment que ce site est à l'initiative de plusieurs ONGs, associations, médias alternatifs et groupes citoyens, unis pour la protection du climat. On note surtout que les initiatives doivent avoir un lien et un impact avéré sur le climat :

Or, on a vu qu'en France, déployer massivement des moyens de production intermittents d'électricité ne servirait au mieux à rien pour le climat et viendrait même probablement augmenter les émissions de CO2.

Si un lien et un impact avéré avec le climat est une nécessité pour être agrégé sur le site, c'est très bien. C'est exactement ce qu'il faut exiger, mais il faut alors prouver ce lien et virer les initiatives qui n'en sont pas capables.

Un gâchi de bonne volonté

Tout ça me pose un très gros problème : des personnes qui ont peu de connaissances sur l'environnement sont donc exhortées par leurs vidéastes préférés à changer de fournisseur d'électricité par une ONG qui affirme des choses contre les faits, contre les connaissances scientifiques.

On va donc gâcher une énergie positive dans des actions au mieux inutiles, au pire contre-productives. Les personnes qui entrent dans ce combat peuvent être dégoûtées si elles se rendent compte qu'elles se sont fait abuser par certains mouvements militants qui font passer leurs dogmes avant les faits.

Une porte ouverte pour les climato-sceptiques

Mais ces failles factuelles sont aussi des cibles faciles pour ceux qui critiquent l'écologie en général.

Je m'intéresse à ce que racontent les climato-sceptiques et ils savent très bien exploiter ces biais de certains discours écologiques dogmatiques. S'ils ont raison quand ils critiquent certains discours anti-nucléaire, anti-ogm ou anti-glyphosate, ils peuvent plus facilement rallier des gens à leur cause.

Ce qu'il faudrait faire

Pour ne leur laisser aucune prise facile et pour s'assurer de ne pas perdre les gens qui s'intéressent à l'environnement, il serait, à mon avis, bien plus sain et efficace de produire un discours rigoureusement scientifique (mais peut-être ma formation scientifique me fait avoir un amour un peu trop prononcé pour les faits avérés ?).

Quand on regarde les mouvements environnementaux qui ont réussi, comme la lutte contre les DDT dans les années 60 ou la mobilisation contre le trou dans la couche d'ozone dans les années 80, c'était à chaque fois des mouvements citoyens qui s'appuyaient sur des connaissances scientifiques.

Je pense que les mouvements environnementaux d'aujourd'hui peinent à convaincre entre autres parce qu'ils ne sont pas toujours en phase avec les connaissances scientifiques. Malgré leur base militante souvent de bonne foi, ils peinent alors à rallier une part plus large de la population et plus critique.

En fait, cet article est un plaidoyer pour des mouvements environnementaux scientifiques.

De plus en plus de français s'intéressent aux problèmes environnementaux parce qu'ils deviennent extrêmement importants. Il est donc plus que temps de faire sortir l'écologie politique et associative de certains dogmes puisqu'à mon avis, une écologie qui se moque des faits ne peut réussir et n'est que gaspillage de temps et d'énergie.

Mais il n'est pas trop tard pour que les mouvements environnementaux existants se corrigent !

Conclusion

Pour montrer certains écarts des ONGs et mouvements écologistes, je me suis focalisé sur un exemple précis : le classement "électricité vert" de Greenpeace, largement repris dans les médias et mis en avant par les récents mouvements de vidéastes. Celui-ci nous permet de voir que Greenpeace a une approche dogmatique et prend certaines libertés avec les faits.

Je pense que c'est dommageable pour Greenpeace parce que ce type d'écart décrédibilise leurs autres actions. Je pense aussi que ça fragilise les mouvements environnementaux : l'environnement est un problème majeur de notre époque et pour progresser, pour rallier les indécis, il faut réussir à produire un discours factuel, avec le moins de failles possibles.



Merci à tous d'avoir lu cet article. Si vous l'avez apprécié, si vous l'avez trouvé utile, n'hésitez pas à le partager sur vos réseaux sociaux préférés.

Je remercie du fond du coeur tous ceux qui me soutiennent sur Tipeee. C'est grâce à vous que je peux produire ce contenu.

C'était le Réveilleur. A bientôt sur le net !



Texte écrit par Lucas Willems


Le Réveilleur

Je vous parle d'environnement, d'économie et du lien entre les deux, car les changements environnementaux vont considérablement impacter nos sociétés.