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REG'art #1 Le tricheur à l'as de carreau


REG 'ART
Publié
May 3, 2020



Salut à tous !

Aujourd'hui, on va parler du Tricheur à l'as de carreau de Georges de La Tour.

Le Tricheur à l'as de carreau

Le Tricheur à l'as de carreau est un tableau peint en 1635 par Georges de La Tour et conservé au musée du Louvre.

Georges de La Tour est un peintre du 17e siècle français, qui vécut sous le règne de Louis XIII et reçut de sa part le titre de Peintre ordinaire du roi. Il évolue en même temps que de grands artistes du 17e siècle français tels que Nicolas Poussin, qui fera la fierté de tous les historiens de l'art, mais aussi de Simon Vouet, son grand rival.

Georges est un peintre que l'on a redécouvert très tard. On le confondait très souvent avec des artistes tels que Murillo, Vélasquez, Rembrandt ou les frères Le Nain, qui avaient tous le point commun de représenter la vie du peuple.

Pourtant, Georges a un style très reconnaissable, notamment dans la rondeur et la blancheur des visages (ci-dessous à gauche), l'estompement des contours (au milieu), mais aussi les poignets cassés de ses personnages (à droite) :

De La Tour a eu 2 périodes dans sa carrière :

  • une période diurne, vers 1630, en début de carrière, constituée de scènes de jour fortement éclairées d'une lumière uniforme,
  • une période nocturne, vers 160, en fin de carrière, caractérisée par une lumière en fort clair-obscur, héritée du Caravage. Voici un exemple :

C'est de cette dernière période que notre tableau est issu. Maintenant place à l'analyse !

L'analyse du tableau

Notre tableau est quasiment grandeur-nature (1,06 m x 1,46 m) et d'un cadrage très serré. Ce cadrage était d'ailleurs encore plus étroit à l'époque, car une bande de toile, sur le haut du tableau, a été rajoutée postérieurement pour atténuer le côté étouffant de la composition.

4 personnages sont présents : 3 joueurs de cartes et une servante en train d'offrir du vin à la joueuse du milieu.

La composition est campée sur un fond noir qui tend vers l'irréel, les personnages étant comme plaqués sur la composition.

Dès le premier coup d'oeil, on voit que de l'argent est en jeu, beaucoup d'argent. Des pièces d'or sont étalées devant la joueuse, mais surtout devant le jeune homme sur la gauche.

On est en plein dans une des grandes plaies du 17e siècle : le jeu, et plus particulièrement, les parties de cartes. Ici, c'est une partie de prime, l'ancêtre du poker. Pour gagner, il faut former la meilleure composition avec 4 cartes.

Mais ici la partie n'est pas des plus normales puisqu'un petit fripon est en train de tricher en prenant, dans sa ceinture, un as de carreau de sa réserve de carte.

Il essaye de former une des compositions les plus fortes de ce jeu, le 55, qui est composé d'un 7 et d'un 6, les deux cartes qu'il a en main, et d'un as, qu'il est en train de prendre dans sa ceinture.

Concernant l'éclairage, il est latéral, violent, et met en valeur la blancheur extrême de la peau de la joueuse, mais plonge aussi dans l'ombre la figure du tricheur, comme si le peintre nous désignait, uniquement à l'aide de la lumière, le fait que le joueur dissimule quelque chose.

Pour autant, les personnages en pleine lumière ne sont pas des petits anges. La joueuse, par son décolleté profond et ses perles autour du cou, renvoie à l'amour sensuel et vénal : c'est une courtisane.

Et le jeu de regard entre la courtisane qui regarde la servante, qui elle-même regarde en coin ce qu'est en train de faire le tricheur, nous fait comprendre qu'elles sont de mèche.

Le tricheur, la servante et la joueuse du milieu veulent délester le 3e joueur de son argent.

Le 3e joueur, quant à lui, regarde ses cartes avec attention.

Il a un habit très élégant et des joues pouponnes et joufflues. Sa richesse est largement étalée sur la table. Tous ces éléments font de lui la proie facile et idéale du jeune homme riche et naïf qui vient d'entrer dans la société.

Malgré son assurance, il n'a aucune chance de gagner, si l'on s'attache à la symbolique des cartes. Il a un 6 de pique qui annonce le malheur et la lutte contre le destin, contrairement au tricheur qui a des carreaux, évoquant une opération fructueuse.

Pour remédier aux nombreuses tricheries qui avaient cours, des édits ont été publiés et les tricheurs risquaient alors l'excommunication, c'est-à-dire l'exclusion de la communauté chrétienne, une condamnation très grave à l'époque.

Deux fortes diagonales structurent la toile :

Ces diagonales montrent tout ce qu'il y a à voir dans le tableau : le tricheur et sa tricherie, la complicité de la servante et de la courtisane, ainsi que la proie naïve et assurée.

De même, à l'arabesque du regard répond l'arabesque des mains :

Ces arabesques mettent en valeur les mains et les regards, les 2 éléments les plus importants du tableau.

Le peintre a aussi pris soin de représenter les petits détails jusqu'au bout : l'élégance des personnes, la splendeur des costumes, mais aussi la saleté des ongles.

Cette attention à la représentation du réel lui vaudra le titre postum de "peintre de la réalité", repris du titre de l'exposition les "peintres de la réalité" de 1934 au musée de l'orangerie.

Astuces pour reconnaître un de La Tour

Voici quelques astuces pour reconnaître un de La Tour quand tu en vois un.

Déjà, il reste peu de tableaux de de La Tour, ce qui facilite la tâche. Ensuite, Georges peint principalement 2 types de scènes : des scènes religieuses et des scènes de genre.

Les scènes religieuses

Le divin au 17e siècle est représenté le plus souvent avec une multitude d'anges ou des auréoles, comme dans cette nativité caractéristique :

Mais Georges de La Tour, lui, ne fera jamais apparaître aucun ange dans ses compositions. Seule la lumière qui va irradier les personnages bibliques fera comprendre que la composition est religieuse et non une scène de la vie de tous les jours.

Dans le même genre, vous pouvez voir aussi en exemple le Saint Joseph charpentier du Louvre (à gauche), ou une des "Madeleine repentante" très célèbres de Georges de La Tour (à droite) :

Vous remarquerez qu'à travers tous ces exemples, ces scènes sont caractérisées par le silence, un recueillement profond et une grande simplicité de composition.

Les scènes de genre

Pour ce qui est des scènes de genre, Georges de La Tour va montrer d'un côté soit la pauvreté, comme avec notre Vielleur (à gauche) ou encore la tromperie ou l'immoralité, comme avec notre Tricheur à l'as de carreau, mais aussi avec la Diseuse de bonne aventure (à droite) :

Comme je l'ai dit plus tôt, La Tour a un style très reconnaissable et ça passe notamment par la forme du visage qu'il crée. Ce sont des visages très ronds, lunaires, complètement blafards et aux yeux sans paupières :

On a aussi très souvent dans ses toiles une atténuation des contours et un aplatissement des formes, comme on peut le voir, notamment dans le visage de cette Madeleine qui paraît complètement écrasé :

On retrouve aussi chez Georges de La Tour des aplats de couleur très profonds qui permettent de simplifier la composition, mais aussi des formes réduites à leur essentiel, comme le rond, le carré, le triangle.

Enfin, on a souvent des personnages plaqués sur un fond uni, sans réelle perspective ni profondeur, ce qui va conférer un côté irréel à la peinture :

Bilan

Vous l'avez donc compris : Georges de La Tour est un peintre à part entière du 17e siècle, notamment par sa grande modernité caractérisée par sa simplification des compositions.

Cette modernité a posé problème aux historiens de l'art qui ont longtemps cru que ses peintures étaient des fausses. Il a fallu des analyses scientifiques pour prouver que les pigments et la toile étaient bien du 17e siècle. Georges de La Tour n'est pas un faussaire.

Le Tricheur à l'as de carreau est acheté par le Louvre en 1972 lors de la rétrospective Georges de La Tour au musée de l'Orangerie, pour 100.000 francs, ce qui était, à l'époque, la somme la plus importante dépensée pour une œuvre.



Merci à tous d'avoir regardé ce premier épisode. N'hésitez pas à vous abonner pour voir les prochains ! Et n'oubliez pas : si vous passez par les musées, allez voir les oeuvres en vrai, c'est toujours mieux.

Au revoir !



Texte écrit par Lucas Willems


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