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Ma rencontre avec Fernand, lors d'une intervention SAMU


Publié
June 4, 2020

Aujourd’hui, j’ai rencontré Fernand lors d’une intervention SAMU. Dans l’ambulance en direction des urgences, il m’a raconté son histoire.

Fernand est un bon vivant d’une petite 90aine d’années. Il a vécu mille vies en une, et la sienne a commencé d’une drôle de façon. En effet, Fernand a grandit... dans une armoire.

La mère de Fernand était, à l’époque, une « boniche » selon ses dires. Une jeune adolescente qui a commencé à travailler à 13 ans dans une famille très bourgeoise. Et comme souvent, le maître de maison a rapidement abusé d’elle, et elle a accouché de Fernand à 14 ans.

Afin de cacher les méfaits du maître, elle fut autorisée à le garder, mais dans le plus grand des secrets. Il a donc été caché les premières années de sa vie. Et comme les chambres de bonnes n’étaient déjà pas grandes, il a grandit en dormant dans l’armoire.

Il me raconte affectueusement que sa mère lui avait fait « un nid » dans les vêtements, qu’il y faisait chaud et qu’elle avait le droit d’emprunter des livres dans la bibliothèque de la maison. Il lisait donc toute la journée. Pour s’occuper. Car il ne pouvait pas sortir.

Au bout d’un moment, 7 ou 8 ans selon lui, plusieurs autres employés/ées de la maison ont signalés son existence à un service de protection de l’enfance. La réputation de sa mère fut salie afin de protéger le maître de maison, et il fut retiré de son armoire.

Là, il est accueilli par une famille d’agriculteurs, pauvres mais bienveillants. Il alterne entre l’école et la ferme, sèche pour garder les moutons. Il arrête vite son éducation afin de se consacrer au travail agricole avec ses bienfaiteurs.

Ensuite, il enchaîne ses vies : agriculteur (travail du sol et élevage de moutons), il apprend ensuite la plomberie, part à l’étranger en tant que militaire, reprend la plomberie, s’essaye à plusieurs métiers. Se marie. Fait des enfants. Vit heureux. 

Puis, dans l’ambulance, il m’avoue ne pas avoir retrouvé sa mère. D’émotion, couplé au stress de notre venue et à sa douleur, il pleure. Je pose une main sur son bras en souriant et le remercie pour m’avoir raconté son parcours de vie.

Il regarde à travers la vitre et, toujours en se tenant la poitrine, me dit :

« Tu vois chérie, c’est drôle de grandir dans un placard, zig-zaguer entre les balles et vivre toute cette merde en restant debout, pour que ce soit mon propre coeur qui essaye de me tuer, parce qu'au final, mon coeur est brisé depuis bien longtemps. Et même s'il continue de battre et me file des infarctus, il est plus vraiment à sa place. » 

Il me file quelques conseils de vie. Profiter à fond, chaque moment, chaque instant. Enchaîner les mecs ou les meufs (mon copain va adorer ce conseil). Me marier uniquement si j’en ai envie. Écouter les signes que m’envoie la vie. La mordre à pleines dents. 

Et son dernier conseil avant qu’on arrive aux urgences, a été :« Et surtout AIME. Aime les gens. Aime la vie. Aime l’amour. Profite d’un coeur amoureux, profite d’un coeur qui bat. Parce que quand il va s’arrêter, t’ira plus loin ensuite. »

J’écouterai Fernand, son coeur brisé, ses infarctus. Je vais continuer à aimer. 


Ambulancière en carton

Ambulancière diplômée mention caféine, option humour noir. Ma position préférée ? la PLS.