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Aujourd'hui, je me posais pour la nième fois la question : "Pourquoi des individus médecins que je ne connais pas prennent-iels des critiques du système (ou d'autres individus) pour des critiques personnelles ? ", il m'est venu une réponse. Ce n'est qu'une hypothèse parmi d'autres, mais je la partage, vous en ferez ce que vous voulez.
L'enseignement de la médecine française est fondé (depuis longtemps, et ça ne veut pas dire que tous les profs étaient, sont et seront comme ça, je le précise) sur l'argument d'autorité. Le maître parle, les élèves engrangent et surtout ne discutent pas la parole du maître.
Ça crée des frustrations, surtout quand le maître dit des choses ignobles, et des conflits intérieurs qui sont difficiles à résoudre quand on est en formation.
L'argument d'autorité s'accompagne de plusieurs outils de lavage de cerveau :
Beaucoup de médecins ingèrent l'argument d'autorité avec la lessive cérébrale. Et, comme toute le monde, iels confondent reconnaissance publique et pouvoir. On peut être apprécié publiquement et n'avoir aucun pouvoir (Greta Thunberg) ou être haï et extrêmement puissant.
Mais dans la pensée médicale, on confond réputation et pouvoir : le médecin dont le travail est loué par ses pairs est puissant. Le médecin dont personne ne (re)connaît le travail est nul et non avenu.
Il n'est jamais souligné que le soin est un travail collectif qui s'appuie sur bien d'autres personnes que les seuls médecins. D'ailleurs, il n'y a pas encore couramment de cours délivrés aux médecins par des infirmières ou sage-femmes ou kinésithérapeutes ou psychologues dans toutes les facs de médecine.
On enseigne donc aux médecins à penser 1° en terme de hiérarchie fondée sur l'image et le pouvoir 2° en termes d'isolationnisme (hors des médecins, point de médecine). Les étudiantes subissent ça pendant huit à douze ans en moyenne ; ça laisse une empreinte marquante.
On en arrive à des individus (non, non, pas toutes, mais trop quand même) qui 1° ressentent toute critique comme humiliante (on ne leur a pas appris à les recevoir autrement) et 2° tout discours extérieur à la profession comme nul et non avenu.
Si bien que lorsque ces personnes arrivent dans le monde réel où tout le monde n'est pas médecin (une réunion publique, une salle de cinéma, Twitter...), tout discours critique (sur la médecine) les blesse cruellement :
Bref, quand les zèbres mal rayés (ou les traîtres à la corporation, c'est selon) se tiennent aux côtés des non-médecins, ils pulvérisent les repères des médecins-bien-de-chez-eux. Et chacune de leurs paroles est une insulte. Un camouflet. Une violence.
Somme toute, quand une médecin prend une critique qui ne s'adresse pas à iel comme une critique personnelle, iel ne fait que réagir comme on lui a appris à réagir pendant ses dix années de formation. Non parce qu'elle souffre d'un trouble de la perception, mais parce qu'on l'a déformée pour percevoir le monde ainsi.
Je sais de quoi je parle : j'ai été éduqué comme ça. Cela dit, chacune peut se déconditionner. Je vois chaque jour des étudiantes et des médecins de tous âges rejeter ce conditionnement.
A ceux et celles qui ne sont pas prêtes à le faire, je n'ai qu'une chose à dire : tous mes encouragements. Certes, il n'est jamais trop tard pour se rendre compte qu'on a été brainwashée. Mais soyez libre de penser comme vous voulez.
Sachez, cependant, que notre lutte va se poursuivre. Car l'adversaire, ce n'est pas vous. "It's not about you!!!" L'adversaire, le vrai, est le mode de pensée et le système qui assujettissent toutes réflexions, discours et actions sur le soin aux conceptions, codes, us et coutumes des seuls médecins.
Un mode de pensée si fermé qu'il inhibe (ou dissuade) tout examen réflexif parmi celles et ceux qui y adhèrent. Cela dit, c'est votre droit le plus strict d'y adhérer sans faillir. Et c'est le mien de continuer à ouvrir ma gueule. Merci de votre attention.
Ceci est l'archive de mon thread Twitter, faite par l'archiveur de threads de Share.
Martin Winckler
Médecin-écrivain Canadien et Français.