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L’analyse de mission : pourquoi j'adore mon métier ?


Publié
June 19, 2020

J'ai décidé de vous parler de mon métier au CNES, métier que j'exerce désormais depuis les recoins confinés de mon appartement. Je vais donc vous parler de "l'analyse mission" et vous expliquer pourquoi c'est trop bien.

La mission

Une mission spatiale, ça commence avec quelqu'un ou quelqu'une qui se dit : je veux un satellite/sonde/rover/truc spatial pour faire TRUC. Par exemple : pour transmettre la télé en 4K, pour observer les étoiles, pour espionner mes voisins. Ça, c'est la MISSION.

Cette personne a probablement déjà une idée en tête. Pour la télé en 4K, un satellite en "géostationnaire". Pour observer les étoiles, une sonde au point de Lagrange. Pour espionner les voisins, un satellite le plus près du sol possible.

Mais bon, ça n'est qu'une vague idée pour l'instant. La personne va donc aller voir son industriel spatial préféré ou son agence spatiale préférée. Et mon boulot, le boulot de l'analyste de mission commence ! 🤓 Je vais analyser leur mission.

L'analyse de la mission

Avec l'aide de l'ingénieur système qui chapeaute tout, on va recenser tous les besoins de la mission et ce que ça veut dire pour la trajectoire, l'orbite et le vaisseau spatial. Ça peut ressembler à une liste au Père Noël à ce stade, ou a une mission KSP.

Prenons un exemple concret : votre mission c'est de prendre des photos de toute la face cachée de la Lune, à très haute résolution, par exemple pour vérifier que Iron Sky est bien un nanar et pas une reconstitution historique... 😱

Le travail commence. 🤓

Dans notre exemple, très haute résolution voudra dire une sonde à basse altitude. Couvrir toute la face cachée voudra dire une orbite polaire ou quasi et ça veut dire que la mission devra durer assez longtemps...

Et puis il faudra y aller, vers la Lune. On pourrait utiliser une trajectoire type Apollo. Mais, comme il n'y a pas d'urgence, on pourra utiliser des trajectoires plus exotiques, qui utilisent les points de Lagrange. Elles sont plus longues, mais plus économes en carburant.

On présentera donc aux autres métiers et autres systèmes ce à quoi une orbite typique de la mission ressemblera pour la sonde. 😬😬😬

A ce stade, en général, on se rend compte que ça ne marche pas du tout pour plein de systèmes. Il va falloir discuter avec les autres métiers pour leur faciliter la vie (c'est ce qui est le plus passionnant et enrichissant dans ce boulot) :

  • L'électrique ⚡ avec qui on discutera de durée d'ensoleillement et de position du soleil.
  • La thermique 🔥 qui nous demandera où est-ce-qu'on est sûr qu'il n'y a rien de trop chaud.
  • Les communications 📡 qui veulent savoir quand on voit la Terre.
  • ...

On va s'interroger sur la propulsion. Est-ce que je peux faire la mission avec des moteurs classiques, puissants mais gourmands, ou des propulseurs électriques, efficaces mais à la poussée très faible ? 🤔

On va aussi devoir réfléchir à quand et comment les évènements se produisent. Par exemple : est-ce que je pourrais communiquer avec mon vaisseau spatial pendant toute la trajectoire ? 😬 Ou alors passera-t-il derrière la Lune lors d'une manœuvre critique ?! 😨

Bien sûr, tout du long, on revient vers la mission pour s'assurer que ce qu'on fait convient bien à l'objectif (ici scientifique ou presque). On va probablement modifier le scénario original, mais on va toujours garder l'idée, l'objectif principal.

Et au fur et à mesures que les collègues se plaignent que "oh mais là on a trop chaud", "j'ai pas assez de soleil", "oh mais on pourra pas photographier Yutu pendant le nouvel an chinois de 2045?", et bah on... "adapte"... notre trajectoire.

C'est souvent frustrant car on avait fait une orbite trop classe, super optimisée, c'était presque de l'art ! Mais ça convenait à personne d'autre qu'à nous en fait 😢. On était heureux mais seul 😭.

Plus le développement avance, plus on va entrer dans les détails. Au début, on cherchait juste une orbite sympa. Au milieu on calcule comment faire les manœuvres en détail. À la fin, on prévoit ce qui se passe en cas de panne, etc.

Finalement, la grosse différence entre KSP et le spatial dans la vraie vie, c'est qu'on ne peut pas faire une mission spatiale tout seul (et ça vaut pour la recherche scientifique en général d'ailleurs). Tout y est très complexe. On a besoin de l'expertise de chacun parce qu'on trouve les solutions ensemble. Et on fait des erreurs mais on les corrige ensemble !

Et l'analyse de mission c'est génial parce qu'on est en plein dans ce processus 😀, même si, des fois, on a l'impression que tous les autres passent leur temps à nous demander de changer les lois de la mécanique spatiale pour résoudre leurs problèmes.

Spoiler alert : tous les métiers du spatial pourraient dire la même chose en fait 🤣.

Voilà, j'espère vous avoir donné une bonne présentation de ce qu'est l'analyse de mission, un métier trop bien et qui parle beaucoup aux joueurs de KSP 😁.


Simon Tardivel

Ingénieur au CNES, astrodynamicien de formation, spécialiste des petits corps, responsable science et analyste de mission sur le rover MMX.