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Je vais répondre à cette question : "Avec les émissions de CO2 des vols intérieurs en France, combien pourrait-on construire de km de lignes TGV ?"
Vous vous demandez pourquoi c’est le 2ème round ?
Le 1er round avait eu lieu ici, et après s’être pris quelques uppercuts l’avion avait succombé assez rapidement par KO : Train vs Avion : taux de remplissage et CO2
Donc là en quelque sorte on joue le match retour.
Il y a en France 2600 km de lignes à grande vitesse (LGV), soit 9% du réseau ferré total, dont les premières ont été construites dans les années 80 (Paris-Lyon mise en service en septembre 1981).
La construction d’une LGV (ligne à grande vitesse) c’est un gros chantier, mais pas non plus complètement hors norme. C’est du même ordre de grandeur qu’une autoroute par exemple.
Le tout premier bilan carbone d’une LGV a été fait par SNCF Réseau pour les 140km de la branche est de la ligne Rhin-Rhône, mise en service en 2011 qui relie en gros Dijon à Belfort.
Quelques chiffres sur cette ligne pour donner une idée du chantier : 160 ponts et 13 viaducs, un tunnel de 2 km, 30 millions de m3 de déblais, 600 km de rails, 550.000 traverses, 2 nouvelles gares et 10 rénovées, dans lesquelles passeront 30 nouvelles rames TGV à 2 niveaux.
Dans le bilan carbone de cette ligne ils ont tout compté : Le déboisement, le terrassement, les matériaux, les engins de chantier, les transports (matériaux et personnel), les rames TGV, les gares et autres bâtiments, la signalisation, ...
Pour vous dire le niveau de détail, ils ont compté aussi les ordinateurs qui ont servi aux études, les déplacements domicile-travail de tous les personnels du chantier, les clôtures, et les aménagements paysagers de la voie.
Ils ne se sont pas arrêtés à la construction, tant qu’à faire ils ont aussi compté les émissions lors de l’exploitation de la ligne : énergie électrique, fonctionnement des gares, maintenance des rames et des voies.
Alors au final qu’est-ce que ça donne ?
Dans les 30 premières années, la construction et l’exploitation de cette ligne auront émis près de 2 millions de tonnes de CO2 (MtCO2).
1,2 MtCO2 dès le début pour la construction, et ensuite 0,023 MtCO2 par an pour l’électricité et la maintenance (soit au total 1.9 MtCO2 en 30 ans).
Et surtout, cette ligne est prévue pour détourner de l’air et de la route 1,2 millions de passagers chaque année (report modal), ce qui fait que ses émissions seront “compensées“ par rapport à une situation sans LGV en seulement 12 ans.
Tout le reste sera un bénéfice net sur le plan des émissions. Au bout de 30 ans de fonctionnement, la LGV aura évité environ 2 millions de tonnes de CO2. Sachant que la durée de vie de la voie est d’une centaine d’années, le bénéfice est sans appel.
C’est exactement comme quand vous achetez une voiture électrique : il y a plus d’émissions au départ pour construire la voiture (une "dette carbone") mais largement moins pendant le fonctionnement, donc ça se rentabilise très rapidement.
Pendant la phase d’exploitation on voit très clairement que les émissions dues à la maintenance sont largement minoritaires par rapport à celle de la production d’électricité, malgré le mix électrique bas carbone de la France.
Bien, donc la construction seule de cette ligne (génie civil, rames, équipements et bâtiments) a émis en tout 1,2 millions de tonnes de CO2. Pour cette ligne là ça fait donc 8300 tonnes de CO2 par km de LGV.
D’autres bilans carbone ont été fait depuis sur d’autres constructions de lignes nouvelles. La moyenne est plus basse pour diverses raisons, environ 6200 tonnes de CO2 par km de LGV. Gardez ce chiffre en tête on y reviendra.
Si vous vous êtes un peu renseigné, vous savez que les émissions dues aux vols domestiques sont d’un peu plus de 5 millions de tonnes de CO2 par an (soit un peu moins de 1% des émissions françaises).
Sauf que... il y a une subtilité.
Pour bien comprendre, regardez les émissions de l’aviation domestique des pays de l’UE.
Oui les chiffres sont corrects et vous voyez clair : notre aviation domestique émet plus du double des autres grands pays européens !
Même si l’on regarde par habitant on gagne encore haut la main. Pourtant avec nos TGV justement, on devrait “consommer“ moins d’avion non ? 🤨
En fait on l’oublie souvent, mais la France c’est un hexagone, une île pas loin (la Corse), et une bonne douzaine de territoires éparpillés dans le monde entier. Et les vols entre tout ça sont dans la catégorie aviation domestique... 😯
Assez bizarrement je n’ai pas trouvé de chiffres d’émissions qui distinguent ces catégories... 🤷♂️
Du coup j’ai fait le calcul moi-même en me frappant une par une les 200 liaisons des statistiques de la DGAC 🤓 C’est forcément approximatif mais pas loin de la réalité.
Voici donc comment se répartissent les émissions de l’aviation domestique française.
Oui vous avez bien vu : les vols intérieurs hexagone n’émettent “que“ 1,6 millions de tonnes de CO2... 😯
Les vols métropole/outre-mer ne concernent que 14% des passagers, mais émettent plus de 60% du total de CO2. Les lois physiques sont ce qu’elles sont : plus il faut aller loin et plus cela émet de CO2, malgré les meilleures performances des avions long courrier.
Bien entendu ces chiffres là ne correspondent qu’à la combustion du kérosène. Si l’on voulait être complet et vraiment comparer avec les LGV il faudrait rajouter les émissions pour produire le carburant, le fonctionnement des aéroports, la maintenance, ...
N’empêche... c’est quand même dingue que ce soit moi qui “minimise“ les émissions des vols intérieurs non ? 😏 Parmi tous les défenseurs des avions, pas un ne m’a sorti cet argument... 😑 Donc le prochain qui me traite de malhonnête aura droit à un beau double 🖕 de ma part.
Les émissions annuelles des vols intérieurs hexagone sont de 1,6 millions de tonnes de CO2.
➡️ Avec ça on pourrait construire 250 km de LGV par an (6200 tCO2/km).
Du coup, les émissions pour reconstruire à neuf la totalité du réseau LGV actuel (2600 km) représentent environ 10,5 années des émissions des vols intérieurs hexagone.
En 2050, la France a pour objectif d’être neutre en carbone. Sur cette période de 30 ans, pour les mêmes émissions que le trafic aérien intérieur, on a la possibilité de quasiment QUADRUPLER notre réseau de ligne à grande vitesse.
Quadrupler serait certainement inutile d’ailleurs, car pas besoin d’être grand clerc pour voir où se trouvent les manques actuels.
Avec ce tracé fait à l’arrache en 2 minutes, simplement en doublant le réseau existant on couvre la quasi totalité des vols intérieurs...
Mais finalement en fait, au delà des chiffres, la bonne question n’est pas tant de savoir si c’est amorti en 10, 20 ou 30 ans, s’il faut doubler ou tripler le réseau à grande vitesse, ou même si le TGV est pertinent partout.
La vraie question, le vrai choix de société, c’est de savoir si l’on préfère émettre du CO2 pour des voyages éphémères en avion, ou bien pour construire des infrastructures durables et s’offrir à nous mêmes et à nos descendants une mobilité longue distance sobre en carbone.
#Fin
@Doudou_TrainDoc pour la photo du tweet précédent et son accord pour la reprendre @L_Outil_Vert pour avoir émis l’idée de l’outre-mer dans les émissions domestiques @cesardugast pour ses éclairages sur le bilan carbone
J’ai mis des arrondis dans les tweets pour que ça soit lisible, mais pour les calculs j’ai utilisé ces chiffres là :
📔 Carte des lignes à grande vitesse en France LIEN
📔 Carte interactive de l’ensemble du réseau ferroviaire français LIEN
📔 Observatoire du transport ferroviaire LIEN
📔 Les atouts du mode ferroviaire LIEN
📔 Atlas du réseau ferré français LIEN
📔 Bilan carbone LGV Rhin-Rhône LIEN
📔 Rapport méthodologique SNCF Réseau LIEN
📔 Inventaires UNFCCC par pays et par catégorie des gaz à effet de serre LIEN
📔 Statistiques trafic aérien DGAC LIEN
📔 Calculateur de distance à vol d’oiseau LIEN
📔 Calculateur d’émission de la DGAC des trajets aériens LIEN
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laydgeur
"Nous y sommes enfin... La grande bataille de notre temps" — Gandalf le Blanc, après avoir lu le rapport du GIEC